Golden Gloves : un portrait qui frappe
Le documentaire Golden Gloves de Gilles Groulx est le premier film de l’ONF que j’ai vu dans ma vie (et bien avant d’y travailler). On pourrait vérifier avec ma mère si Le chat colla… ou Comment construire votre iglou m’ont été présentés, mais le simple fait que je ne m’en souvienne pas discrédite un peu leur impact sur moi.
Pour aller plus loin, le premier plan de Golden Gloves sera pour toujours ancré dans ma tête. Ce long plan séquence, défilant entre les jeunes boxeurs, dictant les strictes règles pour s’inscrire au tournoi Golden Gloves est l’un des plus beaux moments de l’ONF captés sur pellicule. Plusieurs années plus tard, cet amour pour la composition visuelle, que je redécouvre chez les Béla Tarr et les Paul Thomas Anderson de ce monde, me ramène toujours au travail de Groulx dans ce film qui documente le circuit de boxe amateur et, plus particulièrement, les frères Jones et Georges Thibault.
Non seulement un triomphe visuel, ce film reste un portrait intéressant sur ce sport et ces surhommes. Groulx se concentre sur leurs entraînements, leurs quotidiens, leurs boulots, pour bien cerner ce qui les pousse à devenir combattants. En entrevue, ces athlètes nous paraissent francs et propagent les mêmes stéréotypes que nous associons à la boxe. « Lui dans le coin, y’a pas d’affaire à être là! » nous dit très candidement Ronald Jones en parlant de son propre état mental au cours d’un combat.
Étrangement, même si celui-ci porte l’étiquette du documentaire, la mise en scène de Groulx s’y glisse tranquillement. Que ça soit les amis ivrognes de Thibault ou la scène de déjeuner chez les Jones, ils jouent tous inconsciemment pour la caméra. L’entourage de ces athlètes est évidemment accessoire au récit, mais tous ne manquent aucunement leur chance de réagir, de timide à grossier, pour les quelques photogrammes qu’on leur accorde.
Mais, toute cette exposition est superflue dès que les premiers coups sont lancés. Nous avons droit à un événement spectaculaire, tant par cette danse violente que par ce qu’en fait le réalisateur. Par exemple, Groulx utilise le dialogue d’avant le combat, que ça soit le jeune ami de l’adversaire de Jones ou bien de Thibault, en parallèle avec le combat qui se déroule à l’écran. Ceux-ci sont quasiment aussi forts que les coups de poing qui s’enchaînent les uns. Il y a quelque chose de puissant lorsqu’on entend cette voix trop confiante qui affirme que Jones n’encaisse pas bien les coups… pendant que Jones pulvérise son adversaire!
Finalement, Golden Gloves reste un des moments les plus forts dans la carrière de Gilles Groulx. Il sert, à mes yeux, de tremplin pour son chef d’œuvre de fiction Le chat dans le sac. Que ça soit le regard passionné sur ses participants ou ce fort désir de mise en scène, Groulx sème la genèse de son travail en fiction à l’intérieur de ce bijou de notre collection.
Golden Gloves , Gilles Groulx, offert par l’Office national du film du Canada