Retour sur le Festival du nouveau cinéma (FNC) 2013
C’est le très beau film Heli d’Amat Escalante qui a finalement remporté le Louve d’or du Meilleur long métrage de la Compétition internationale du 42e Festival du Nouveau cinéma samedi. Le jury a également accordé un mention spéciale au film L’inconnu du lac d’Alain Guiraudie, alors qu’In Bloom de Nana Ekvtimishvili et de Simon Gross a, pour sa part, remporté le Prix du jury de la compétition internationale.
Du côté des performances, l’actrice Samantha Castillo a remporté le Prix d’interprétation pour Pelo Malo de Mariana Rondon, tandis que le film Miss Violence d’Alexandros Avranas s’est vu remettre le Prix de l’innovation Daniel Langlois.
Enfin, le documentaire interactif de l’ONF Journal d’une insomnie collective s’est mérité le Prix innovation FNC Lab. Vous pouvez accéder au palmarès complet juste ici.
Sous la loupe des blogueurs ONF
Au cours des deux dernières semaines, l’équipe du blogue a parcouru les salles de cinéma de la ville afin d’assister au plus grand nombre de films possible. Vous trouverez ci-dessous notre critique d’une douzaine de longs métrages qui ont retenus notre attention au FNC. Notez que certains de ces films seront à l’affiche très prochainement.
L’étrange couleur des larmes de ton corps
Bijou du cinéma contemporain, L’étrange couleur des larmes de ton corps est un film difficilement déchiffrable sans une grande cinéphilie. Plus spécifiquement, sans une obsession pour le giallo – courant cinématographique italien populaire dans les années 70 -, ce long métrage devient un casse-tête. Hélène Cattet et Bruno Forzani, qui avaient surpris le FNC, il y a quelques années avec leur premier long métrage Amer, signent un film beaucoup plus labyrinthique et rempli de pulsions et de secrets. (Maxime Monast)
Le festin des huîtres
Le FNC a fait un sacré bon coup en présentant ce documentaire (pas tout à fait terminé) d’Adrian Maben sur le mythique groupe rock Pink Floyd. Construit à partir des chutes de tournage du documentaire Pink Floyd: Live at Pompeii, dans lequel les musiciens Syd Barrett, David Gilmour, Nick Mason et Roger Waters interprètent des chansons dans l’univers minéral de Pompéi, en Italie, Le festin des huîtres suit les membres du groupe en entrevue, trois mois après le tournage, alors qu’ils mangent des huîtres et rigolent au dépend du réalisateur. Présent vendredi dernier devant une salle comble au Cinéma du Parc, ce dernier a raconté comment il avait conservé pendant toutes ces années les bobines du film tourné à Pompéi dans la salle de bain de son appartement, à Paris, et comment il avait envoyé le tout chez David Zimmerman, spécialiste de la restauration de vieux films, à Londres, afin de compléter le film. Il en ressort une œuvre en noir et blanc magnifique, hyper contrastée, qui conserve l’esprit des Floyd, leur bonne humeur et leur sens de l’humour infaillible. (Catherine Perreault)
La bataille de Solférino
Mon coup cœur cette année au FNC. La bataille de Solférino est un remarquable premier long métrage de fiction réalisé par Justine Triet. Présenté au Festival de Cannes, le film nous plonge tête première dans la dynamique d’un couple hystérique, qui s’entre-déchire pour la garde de ses enfants, le tout sur fond d’élections présidentielles. D’un réalisme documentaire à couper le souffle, La bataille de Solférino se déroule durant la journée du 6 mai 2010 (second tour de l’élection présidentielle). Alors que Laeticia, journaliste télé, tente de couvrir la frénésie des événements en direct, Vincent, son ex qu’elle qualifie d’irresponsable et de dangereux, rapplique sans son consentement pour voir ses filles. Elle est alertée par le baby-sitter. Aussitôt, la tension monte à mesure que le dévoilement des résultats du scrutin approche. Tumultueux divorce de l’intime sur fond de divorce national, le film est d’une magnifique justesse, tant par le jeu des acteurs (impeccable) que par les mises en scène poignantes, lesquelles mettent en relief la psychologie fragile des personnages avec un sens de l’humour exquis. (Emilie Nguyen Ngoc)
Wrong Cops
Quatrième long métrage du producteur-électro-devenu-réalisateur, Quentin Dupieux, Wrong Cops se déroule comme une série de capsules aussi absurdes que cinglantes. Évidemment toujours un peu dérangeant et dans la marge, ce nouvel essai suit une bande de policiers, qui n’a aucun désir de suivre la loi et de garder la paix. Avec l’aide d’Eric Wareheim, Arden Myrin et même Marylin Manson, Wrong Cops nous fait vivre l’absurdité d’un Los Angeles où le crime est causé par les garants de la loi. (Maxime Monast)
Dallas Buyers Club
« Film surprise » présenté en avant-première au FNC, Dallas Buyers Club de Jean-Marc Vallée (C.R.A.Z.Y.) a conquis le cœur des festivaliers (le mien inclus) samedi dernier. Le long métrage met en vedette les excellents Matthew McConaughey et Jared Leto, qui ont perdus beaucoup de poids pour le tournage, ainsi que la comédienne Jennifer Gardner. Il raconte l’histoire vraie de Ron Woodroof, un cowboy du Texas diagnostiqué du SIDA en 1986. Probablement le rôle d’une vie pour McConaughey, qui peut déjà rêver à une nomination aux Oscars. Le prendra l’affiche à Montréal le 1er novembre, puis partout en province le 22 novembre. (Catherine Perreault)
Tel père, tel fils
Si vous avez aimé le magnifique Nobody Knows, vous serez ravis par ce dernier film du réalisateur japonais Kore-Eda qui réussit, une fois de plus, à nous faire verser une larme ou deux. Tel père, tel fils raconte l’histoire de deux familles, l’une aisée et conventionnelle, l’autre plutôt modeste et atypique, dont l’équilibre est bouleversé lorsque les parents apprennent que leurs fils respectifs ont été échangés à la naissance. De retour avec des thèmes qui lui sont chers (la famille, l’enfance, la séparation, l’absence), Kore-Eda nous livre un film profond et touchant, emprunt de finesse et de subtilité. Le film a remporté le Prix du jury au Festival de Cannes 2013. (Emilie Nguyen Ngoc)
A Field in England
Toujours aussi imprévisible, le réalisateur anglais Ben Wheatley nous livre son film le plus curieux, A Field in England. Sans but clair, et figurant une des scènes les plus dangereuses pour tous les épileptiques, nos personnages se promènent dans un champ en quête d’un trésor enfoui. En mélangeant l’alchimie, les champignons magiques et une panoplie de jurons anglais, nous avons un film des plus divertissants. Un vrai coup de cœur. (Maxime Monast)
All the Wrong Reasons
Dernier rôle joué au cinéma par le regretté Cory Monteith (Glee), All the Wrong Reasons raconte l’histoire de quatre individus pris dans une impasse qui tentent d’améliorer leur sort. Kate (très juste Karine Vanasse) a été témoin d’un accident tragique et souffre d’un choc post-traumatique. Personne ne peut s’approcher d’elle, pas même son mari, James. Tous deux travaillent dans un magasin à grande surface. James, ambitieux, est gérant et rêve à sa prochaine promotion. En manque d’intimité avec son épouse, il se rapproche de Nicole (Emily Hampshire), une caissière qui cherche désespérément un homme pour subvenir à ses besoins et à ceux de son enfant. Arrive ensuite le pompier Simon (Kevin Zegers), embauché comme garde de sécurité après être amputé du bras, qui vient compliquer davantage la situation. Premier long métrage de la Canadienne Gia Milani, All the Wrong Reasons est un film choral qui repose sur une réalisation sobre et un scénario d’une étonnante efficacité. Au cinéma dès le 1er novembre. (Catherine Perreault)
Triptyque
Dix ans après La face cachée de la lune, Robert Lepage entreprend un retour au cinéma fort attendu avec Triptyque, une adaptation de sa pièce de théâtre Lipsync (2007), réalisé avec le talentueux Pedro Pires (Danse macabre, Hope). Trois personnages, trois tableaux dont les vies s’entrecroisent entre Québec, Londres et l’Italie. Michelle, libraire à Québec, en proie à des problèmes psychiatriques; sa sœur Marie, chanteuse de jazz, qui doit être opérée pour une tumeur au cerveau et risque de perdre l’usage de la parole; Thomas, neurochirurgien à la main tremblante. Pari réussi. Un film solide, mûrement réfléchi, sur le langage, la mémoire et le corps humain. À l’affiche dès le 25 octobre 2013. (Emilie Nguyen Ngoc)
The Life of Budori Gusuko
Visuellement attrayant et dessiné à la perfection, The Life of Budori Gusuko est une aventure à tendance écologique. À travers les yeux d’un jeune félin à la recherche de sa sœur enlevée par un malin chat en destination pour un autre monde, on vit la famine, le changement climatique, l’importance de la terre et mêmes les éruptions volcaniques. Signé par Gisaburo Sugii du studio Tezuka, ce long métrage d’animation – malgré la prédominance de chats – est décousu et sans impact réel, en dépit des grands thèmes qu’on tente d’explorer. (Maxime Monast)
Uvanga
Deuxième long métrage réalisé par un collectif de cinéastes installés à Igloolik et mené par la réalisatrice Marie-Hélène Cousineau, Uvanga est un portrait poignant de la vie contemporaine de cette petite communauté inuite du Nunavut. L’histoire est celle d’Anna (Marianne Farley, le sosie de Jessica Chastain) qui, après avoir travaillé à Igloolik, y retourne pour la première fois avec Tomas (Lukasi Forrest), le fils qu’elle a eu avec un homme du village, aujourd’hui décédé. Il fera la rencontre de son demi-frère (Travis Kunnuk) et de sa famille paternelle. Tourné avec une majorité d’acteurs non-professionnels, Uvanga (« moi-même » en inuktitut) est un film remarquable qui jette un regard touchant sur la réalité de ce peuple trop souvent oublié du Grand Nord canadien. Sous la lumière arctique, constamment présente en été, et un décor à couper le souffle, Anna et son fils découvrent une autre façon de vivre. (Catherine Perreault)
La Grande Belleza
La Grande Belleza dresse le portrait satirique et décadent de la haute société romaine, à travers les yeux du vieux dandy Jep Gambardella, journaliste vieillissant et cynique, qui connut la gloire et la richesse à la suite de la publication d’un roman mythique il y a 40 ans. Une fresque baroque et fellinienne, parfois un peu décousue, truffée de fêtes sans lendemain, de drogues et de botox, d’illusions perdues, de nostalgie et d’amertume, campée dans une Rome onirique. La force des films de Paolo Sorrentino (Il Divo) réside sans contredit dans les dialogues lumineux où les répliques cinglantes, les aphorismes, les mots d’esprit, les sarcasmes ne manquent pas. Toujours avec une pointe d’humour et d’ironie. En salle au Québec dès le 13 décembre 2013. (Emilie Nguyen Ngoc)
*Crédits photos : nouveaucinema.ca