À la découverte de l’animation
La chaine « Animation » de l’ONF rassemble des oeuvres d’un genre qui permet un niveau d’expérimentation et de recherche probablement inégalé dans les autres genres cinématographiques. On ne joue pas seulement avec le récit ou le montage. On joue radicalement avec les formes, permettant à un seul plan de raconter beaucoup plus qu’une image filmée, fictive ou documentaire, ne pourrait le faire.
Le dessin
Pensons d’abord au très troublant Le chapeau (pour un public averti) racontant l’histoire d’une danseuse nue dont l’enfance a été marquée par la présence intrusive d’un homme portant le chapeau, homme qui ressemble d’ailleurs à tous ses clients : l’animation à l’encre créé de nombreuses métamorphoses, et on se déplace aisément entre les époques et les lieux, montrant les conséquences à long terme de traumatismes juvéniles.
Pour ce qui est du déplacement, c’est probablement La faim qui l’accomplit le mieux : bien qu’il y ait des déplacements dans cette animation critique à l’égard de la surconsommation, il n’y a pas de mouvement : les transitions visuelles sont tout à fait troublantes et originales, et expliquent en elles seules la transformation radicale de notre personnage initialement mince. Un des premiers films d’animation réalisé à l’ordinateur, il s’est mérité un prix du jury à Cannes et une nomination aux Oscars!
La faim, Peter Foldès, offert par l’Office national du film du Canada
La critique sociale
La caricature, c’est le haïku de la critique politique : le dessin permet de cerner ce qu’on projette aux autres, pas uniquement la réalité illustrée littéralement : Le nœud cravate illustre l’absurdité aliénante d’un travail excessivement bureaucratisé tandis que La Terre est habitée montre merveilleusement bien le fait que « les choses que tu possèdes finissent par te posséder », si je peux me permettre de paraphraser « Fight Club ». Mais c’est probablement Le train de folie qui illustre le mieux, à mes yeux, l’inégalité entre les classes, l’insouciance des élites, la surconsommation et la force de la nature : tout ceci est, évidemment, sujet à interprétation. Non pas martelé mais raconté, à coup de blagues et d’effets visuels sympathiques.
Train en folie, Cordell Barker, offert par l’Office national du film du Canada
Norman McLaren, évidemment
Norman McLaren laisse un héritage particulièrement riche au sein de l’ONF : tantôt illustrant une maîtrise parfaite de son art (avec Voisins, par exemple), tantôt relevant plutôt de l’expérimentation (avec Boogie Doodle, entre autres), il est aussi capable de lier les deux pour nous donner des œuvres hypnotiques, comme celle-ci:
Pas de deux, Norman McLaren, offert par l’Office national du film du Canada
En passant, notons la similarité entre Il était une chaise, œuvre collaborative entre Norman McLaren et Claude Jutra (oui oui) et Monsieur Pointu, d’André Leduc et Bernard Longpré : dans les deux courts métrages, l’homme essaie de contrôler un objet, face à des défis rocambolesques.
Il était une chaise, Norman McLaren et Claude Jutra, offert par l’Office national du film du Canada
Monsieur Pointu, André Leduc et Bernard Longpré, offert par l’Office national du film du Canada
Et finalement, petit coup de cœur pour Ma grand-mère repassait les chemises du roi, l’histoire improbable d’une femme qui a combattu le nazisme en Norvège en sabotant le repassage de chemises de l’envahisseur nazi.
Bref, la chaîne vaut définitivement le détour, et vous montrera les multiples moyens à notre disposition pour illustrer des récits! Bref, la seule limite, c’est l’imagination!