Des films aux accents d’Amérique | Perspective du conservateur
La collection de films de l’ONF compte près de 13 000 titres dont plus de 5000 en français. De 1939 à 1955, alors que l’ONF est installé à Ottawa, la production française est minoritaire. Les créateurs francophones et leurs films peinent à prendre leur place au sein d’un ONF dirigé par des Britanniques et des Canadiens anglais. Le déménagement à Montréal, en 1956, renverse la vapeur.
Il permet l’embauche de jeunes francophones, l’éclosion de leur talent et l’émergence d’une équipe de cinéastes et de producteurs francophones, qui très rapidement contribueront à l’invention d’une nouvelle façon de faire du cinéma, le cinéma direct. D’aucuns s’entendent pour dire que la présence de l’ONF à Montréal fut essentiel à la création d’un cinéma québécois.
Pour la suite du monde, Pierre Perrault et Michel Brault, offert par l’Office national du film du Canada
Quoi qu’il en soit, au début des années 1960, les francophones du Québec ont leur voix, mais ceux des autres provinces ont de la difficulté à se faire entendre. Toute la production de films est concentrée au quartier général à Montréal. La représentation des différentes communautés francophones du pays est assurée par les cinéastes du quartier général, qui vont tourner des images sur place. La régionalisation de l’ONF viendra changer la donne.
Donner une voix aux francophones
Au début des années 1970, l’ONF crée des studios de production francophone à Moncton, Winnipeg, aujourd’hui fermé, et Toronto. Ces studios ont permis non seulement de donner la parole aux francophones du reste du pays, mais aussi l’émergence d’un cinéma francophone hors Québec. Encore aujourd’hui, les studios Acadie (Moncton) et de la francophonie canadienne (Toronto) continuent de soutenir et de promouvoir le développement du cinéma des francophones des maritimes, de l’Ontario et de l’Ouest du pays.
Kacho Komplo , Paul Bossé, offert par l’Office national du film du Canada
Qu’elle soit chantée, récitée, célébrée, défendue, exprimée dans un langage populaire, parfois triturée, étirée, transformée, devenant presque méconnaissable, la langue française résonne aux quatre coins du pays dans les films de l’ONF. « C’est une langue de France aux accents d’Amérique », comme le chante Michel Rivard dans sa très belle chanson, Le cœur de ma vie.
Et ces accents, on peut les entendre dans plusieurs films. Que ce soit l’accent acadien du Nouveau Brunswick (Un dimanche à 105 ans, Kacho Komplo, On a tué l’Enfant-Jésus), là où le français se conjugue parfois en chiac (Pimp ma botte), celui de la Nouvelle-Écosse (La trappe, La cabane, Les gossipeuses), de l’Île-du-Prince-Édouard (Quelque chose dans l’air), l’accent des franco-ontariens (Mouches noires, Une école sans frontières, Pis nous autres dans tout ça), des franco-manitobains (La nouvelle au village, Au pays de Riel), des franco-albertains (Le message de Cornipoli, Le chœur d’une culture), l’accent québécois (Les troubbes de Johnny, Au pays des colons, Françoise Durocher, waitress), là où le joual s’exprime dans toute sa poésie (Pour la suite du monde, Au chic Resto Pop, Speak White, Dehors novembre), l’accent des franco-américains (Le reel du pendu, Le grand Jack, Tintamarre – la piste Acadie en Amérique) ou même l’accent de ceux venus d’ailleurs (Comme une odeur de menthe, Histoire de sable, Une mémoire oubliée… une génération sacrifiée).
Les « troubbes » de Johnny, Jacques Godbout, offert par l’Office national du film du Canada
Ces quelques exemples témoignent de la richesse, de la diversité et de la couleur de la francophonie dans le Canada. Je vous invite à découvrir ces films au hasard d’un « clic », en toute connaissance de cause ou par curiosité. Ne serait-ce que pour le plaisir d’entendre ces accents d’Amérique!