Chérie, j’ai hacké la machine à tricot!
Je suis parmi les chanceuses qui ont pu vivre la visite guidée d’Espace commun? C’est un parcours fascinant de huit œuvres dans divers lieux du Quartier des spectacles ayant pour thématique l’être humain au cœur des technologies. Treize artistes en provenance de sept pays sont derrière cette gigantesque réflexion sur les espaces partagés, qu’ils soient publics, privés, imaginaires ou virtuels.
Par écrit, le menu est imposant, presque intimidant : projections architecturales, créations numériques, interactivité, œuvres immersives, piratage informatique, applications mobiles, réseaux parallèles et tous ces nouveaux phénomènes qui me donnent des coups de vieux et qui font que j’ai souvent l’impression de devoir pédaler à toute allure pour être capable de sauter dans ce TGV de l’innovation des arts médiatiques.
En préparant ma caméra avant de me rendre là-bas (une Canon 5D qui n’impressionne plus personne), je me suis mise à regretter la fois où j’ai préféré rester sur mon divan à regarder l’Épicerie plutôt que de me rendre à la SAT pour assister à cette ixième conférence du type « Le futur de l’art numérique pour les nuls ». Puis, je me suis souvenue que des gens me connaissent pour avoir réalisé un webdoc et que j’ai déjà été invitée à La Sphère. Je ne devrais donc pas être si larguée. (Truc blogue #42 : il est toujours bon d’interpeller Matthieu Dugal afin d’être relayée sur ses réseaux.)
De cette dizaine d’artistes contemporains, mon intérêt se porte sur Sam Meech, un artiste de Liverpool qui pond ses œuvres à l’aide de machines à tricot. Appartenir à une génération analogique, avoir le même accent que Ringo Starr et travailler le même médium que ma grand-mère te donnent une longueur d’avance dans mon cœur. M’en allant lui offrir un câlin sans présentation d’usage, mon élan fut freiné par l’explication de son processus créatif : Actually, I’m hacking the machine to knit digital images. Sous le choc, j’ai tout de même réprimé l’envie de faire une folle de moi sur YouTube avec une vidéo du genre : Leave the tricot alone!
À vrai dire, j’ai vite été conquise par cet artiste sympathique qui, en utilisant un matériel doux, chaleureux et populaire, réussit à susciter une réelle réflexion sur les arts visuels et numériques.
Je résume une de ses pratiques :
- il investit un lieu (dans ce cas-ci, le Quartier des spectacles) ;
- il observe, photographie, rencontre des gens, et fait des entrevues ;
- il collectionne des représentations graphiques issues de cette recherche sociologique telles que des enseignes de magasins, des graffitis, des logos, des slogans, des formes architecturales, etc.
- à l’aide de vieilles machines à tricoter, mécaniques ou électroniques, il représente l’iconographie du lieu visité sur des tricots jacquard colorés.
- il crée des animations en stop-motion à partir de ces images tricotées.
Pour vous donner un aperçu, j’ai créé un GIF (à moi les bourses en arts médiatiques!) tiré d’une de ses animations tricotées. C’est une inspiration directe de Horse in Motion d’Eadweard Muybridge (1878), un des premiers stop-motions de l’histoire.
Je trouve particulièrement intéressants les liens qu’ils tissent entre l’aspect binaire du procédé mécanique de la carte perforée et celui de l’imagerie numérique. J’aime qu’il dépasse l’ironie bête souvent associée au kitsch de l’artisanat pour proposer une véritable actualisation de cette pratique de création qu’est le tricot.
Pour en savoir plus sur l’oeuvre de Sam Meech, cliquez ici.
Suivez-le aussi sur Twitter, il est très actif et divertissant : @videosmithery
Pour lire le deuxième billet de cette série , cliquez ici.