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Glenn Gould : deux portraits, un musicien de génie

Glenn Gould : deux portraits, un musicien de génie

Glenn Gould : deux portraits, un musicien de génie

Ce billet est une traduction de l’anglais.

Le dimanche 10 février, à l’occasion du 55e gala annuel des Grammy Awards, le pianiste et compositeur Glenn Gould recevra à titre posthume le Lifetime Achievement Award. Pour souligner l’événement, l’Office national du film propose en ligne deux portraits documentaires (un seul en français) de ce virtuose produits en 1959. Je me suis dit qu’il serait chouette de vous raconter comment ces films ont vu le jour.

La genèse d’un projet

Au printemps 1958, l’ONF produit une suite de documentaires d’une demi-heure pour la série Candid Eye, dont la diffusion est prévue à l’automne sur le réseau de télévision de la CBC. Candid Eye prévoit présenter des documentaires de cinéma-vérité conçus au moyen d’un tout nouveau matériel portatif grâce auquel l’équipe de tournage bénéficie d’une souplesse accrue : on peut ainsi observer de près, tout en intervenant le moins possible dans les événements filmés.

Les cinéastes Wolf Koenig et Roman Kroitor communiquent avec l’agent de Glenn Gould afin de savoir s’il plairait au grand pianiste de se trouver au cœur d’un documentaire de la série. L’agent discute de la proposition avec Gould, lequel se montre enthousiaste à la perspective de collaborer avec l’ONF. Un problème se pose toutefois : un calendrier de concerts complètement fou entraîne Gould en tournée durant presque tout l’automne et l’hiver 1958-1959. Or, l’ONF souhaite réaliser une production décontractée, montrant l’artiste chez lui en train de composer, de se préparer, et de travailler en studio. On estime donc plus sage de reporter le tournage à l’année suivante, au printemps, lorsque Gould aura terminé son exténuante tournée.

Le tournage

À la fin de mai 1959, une équipe de tournage se rend à la maison de campagne du pianiste au lac Simcoe, en Ontario, pour le filmer en train de répéter et de composer. Les cinéastes profitent alors d’une visite du musicien Franz Kramer pour immortaliser une conversation sur la musique moderne et la musique classique. Wolf Koenig et Roman Kroitor interrogent également Glenn Gould sur la tournée par comparaison aux enregistrements (Gould se révèle particulièrement fascinant dans cette séquence). Toutes les scènes « impromptues » sont mises en place et tournées en quelques jours à l’intérieur ou à proximité de la maison de campagne.

L’équipe se rend ensuite à New York, où elle filme Gould en train de choisir un piano chez Steinway & Sons. Elle tourne ensuite une séance d’enregistrement qui se déroule sur plusieurs jours à la maison de disques Columbia. Pour faire en sorte que le bruit de la caméra ne gêne pas l’enregistrement, les cinéastes filment d’abord le directeur musical et les ingénieurs du son dans la cabine d’où ils enregistrent la musique de Gould. Il s’agit là de séquences sublimes, au cours desquelles les ingénieurs du son échangent des plaisanteries vraiment tordantes. L’équipe tourne alors sur deux jours des images du pianiste jouant en studio. Les ingénieurs ne l’enregistrent pas, mais « font comme si » et paraissent travailler très sérieusement. Tout semble bien uniforme, grâce en partie à un montage particulièrement efficace et à Gould lui-même, qui consacre autant d’énergie aux « faux » enregistrements qu’aux vrais. Dans les deux cas, on utilise plusieurs caméras afin de mieux capter les événements.

Trop de matériel?

Lorsque vient le moment d’effectuer le montage et de réduire à une demi-heure la durée du film, les cinéastes constatent qu’ils ont vraiment trop de matériel. Ils proposent donc à la CBC de faire une exception et de permettre la présentation d’un épisode d’une heure au lieu des 30 minutes convenues. La CBC leur suggère plutôt de réaliser deux épisodes d’une demi-heure chacun, qu’elle diffusera sur deux semaines consécutives. Résultat : Glenn Gould Off the Record, qui présente le pianiste chez lui, puis choisissant son piano à New York, et Glenn Gould On the Record, exclusivement consacré aux séances d’enregistrement de Gould chez Columbia Records. La rédaction et la lecture des commentaires des deux films sont confiées au cinéaste chevronné de l’ONF Stanley Jackson.

Alors que les films sont en préparation, la série Candid Eye est annulée et remplacée par Documentary 60, qui poursuit dans le même esprit et conserve la plage horaire du dimanche, 17 h 30. La CBC commande une saison entière de 26 épisodes de Documentary 60. Les deux films sur Glenn Gould doivent constituer les épisodes quatre et cinq de la série (parmi les autres productions de cette série, citons Emergency Ward, The Back-breaking Leaf et Sunshine and Eclipse).

La diffusion et la distribution des films

Glenn Gould Off the Record est diffusé le dimanche 22 novembre 1959 sur la plupart des canaux de la CBC (et peu après sur les autres canaux). La semaine suivante, on présente Glenn Gould On the Record, cette fois encore sur les principaux canaux de la CBC. L’ONF et la CBC reçoivent alors une plainte très particulière. Une entreprise de fabrication de pianos canadienne s’insurge contre le fait que les cinéastes n’aient pas demandé à Glenn Gould d’utiliser l’un de ses instruments dans le film. Un pianiste canadien aurait dû se servir d’un produit conçu au pays et non d’un Steinway, soutient le commerçant! Le commissaire à la cinématographie de l’ONF, Guy Roberge, répond avec le plus de tact possible à cette ridicule demande en faisant valoir que le choix des instruments appartient toujours au musicien.

Les films sont également diffusés dans la ville de New York et ses environs au début de janvier 1960, puis présentés par la BBC à l’été et à l’automne de la même année. L’accueil se révèle très enthousiaste dans tous les cas, et plus particulièrement à la BBC, où les films méritent des éloges. Ils sont présentés dans le cadre de la série Monitor, qui porte sur les arts en Grande-Bretagne et ailleurs dans le monde, et intéresse un vaste auditoire.

Un mois après leur première parution, on lance les films sur le marché canadien des productions non destinées aux salles de cinéma en vue de leur projection dans les écoles et dans les salles communautaires. Ils sont également vendus à des réseaux de télévision de quelques pays, dont le Japon, les Pays-Bas et la Suède. En 1960, Radio-Canada présente une émission spéciale d’une demi-heure issue d’un montage qui rassemble les meilleurs moments des deux films et s’intitule simplement Glenn Gould. On y présente notamment un entretien avec Gould tiré de Glenn Gould Off the Record (et doublé en français) et des images des séances d’enregistrement. On a sans doute fusionné et abrégé ces deux films en raison du fait que Gould n’était pas suffisamment connu au Canada français pour qu’il soit possible de diffuser deux épisodes. Vous pouvez visionner la version française juste ici :

Glenn Gould, Roman Kroitor et Wolf Koenig, offert par l'Office national du film du Canada

Retrait et re-lancement des films

Comme le veut l’usage dans les années 1970, on retire les films de la distribution en 1976 : ils ont déjà dix-sept ans et semblent quelque peu dépassés. On les met donc au rancart durant une dizaine d’années, avant d’en faire une compilation et de les rediffuser en format VHS en 1987. Suivent en 1999 les DVD, qui comportent en prime des enregistrements sonores inédits.

En revoyant les films quelque cinquante ans plus tard, je suis frappé de la fraîcheur et de la vitalité qui s’en dégage. Gould est fascinant et certains passages relèvent de la magie pure, par exemple la séquence tournée dans la cabine d’enregistrement et que j’ai évoquée plus haut. Fidèle à son style habituel, Jackson nous présente une narration minimaliste et inusitée, et la caméra se fait discrète.

Nous sommes heureux de vous offrir la possibilité de visionner – et d’écouter – ces classiques sur ONF.ca. Bon cinéma!

Version originale anglaise :

Glenn Gould – Off the Record, Roman Kroitor & Wolf Koenig, provided by the National Film Board of Canada

Glenn Gould – On the Record, Roman Kroitor & Wolf Koenig, provided by the National Film Board of Canada

 

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