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Tournée ONF – Edmonton

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En règle générale, je n’ai pas tendance à m’attarder sur la pluie et le beau temps, mais cette fois, j’estime que les -29 degrés qu’il faisait hier à Edmonton méritent qu’on en parle un moment. Bien le bonjour! Je m’étais pourtant préparée : j’avais extirpé du fond de mon placard le parka et les bottes doublées de mouton que je n’avais pas portées depuis mars dernier, alors que j’avais pris part à une folle équipée en traîneau à chiens au cœur de l’Alaska.

Mais en quittant l’aéroport, à Edmonton, je comprends tout de suite que j’ai laissé à la maison cet indispensable rempart grâce auquel j’affronte sans sourciller les froids les plus intenses, à savoir : ma combinaison. Mordantes et incessantes, les rafales glacées me heurtent de plein fouet et m’atteignent droit dans les genoux. Prises au dépourvu par ces assauts subits sous leur mince couche de denim turquoise, mes jambes ne tardent pas à jalouser le haut de mon corps, recouvert de six épaisseurs, et ma tête, à l’abri sous un chapeau et deux capuches. Croyez-en mon expérience : dans ces contrées albertaines, la combinaison n’est pas un luxe, mais une absolue nécessité pour quiconque se hasarde à mettre le nez dehors.

Les conversations sur la Coupe Grey font littéralement vibrer le hall de l’hôtel. Au bénéfice des néophytes (dont je suis), précisons que la Coupe Grey est au football canadien ce que la Coupe Stanley est au hockey. Si j’ai bien compris, quelqu’un la remportera dimanche prochain (le 28 novembre) à l’issue d’un match disputé à Edmonton, et ce sera soit les Alouettes de Montréal, soit les Roughriders de la Saskatchewan.

À Edmonton, bien des hôtels affichent déjà complet presque une semaine avant le match fatidique, alors imaginez un peu le tohu-bohu. Et ajoutez à cela tous les gens dont la voiture refuse catégoriquement de démarrer, même si certains ont pris la peine de brancher ledit véhicule pour la nuit. « Et je me demande même si j’ai apporté un sèche-cheveux, se lamente une femme au bord de la crise de nerf. Je ne peux vraiment pas fonctionner sans ça ici. »

Dans un bar où je me suis réfugiée pour me décongeler les cuisses après avoir tenté de me balader en ville, histoire de prendre quelques clichés (une entreprise vouée d’avance à l’échec), le barman m’affirme être lui aussi décontenancé par ce froid en ajoutant que si ce n’était de ses enfants, surexcités à la perspective d’aller jouer dans la neige et de pelleter l’entrée, toute cette affaire de « janvier en novembre » l’indisposerait carrément. « Dire que je jouais au golf en manches courtes au début du mois! », gémit-il.

Originaire de l’Asie du Sud, son patron M. Singh, un homme à la barbe soigneusement taillée, fait dévier la conversation du football au hockey et me raconte les vicissitudes qu’il connaît depuis sa prime jeunesse en tant que supporter des Flames de Calgary. Pendant que nous discutons, un match opposant justement Calgary aux Rangers de New York se déroule sur l’écran plat au-dessus du bar. Le patron y jette un œil de temps à autre, soupire et secoue la tête.  « Ce qu’il y a de bien avec les Flames, c’est qu’ils trouvent tous les soirs une façon différente de perdre, dit-il mi-figue, mi-raisin. Pas plus tard que l’autre jour, ils gagnaient 4-2 à 9 minutes de la fin de la troisième période. Eh bien ils ont perdu en prolongation! »

Ce soir-là, la présentation de Tom a lieu au TransAlta Arts Barns, un espace moderne situé dans le Old Strathcona’s Theatre District, juste à côté d’un parc agrémenté d’un belvédère que j’imagine des plus agréables en juillet. L’exposé lui-même diffère de celui que Tom a présenté en Ontario. Bon nombre des extraits qu’il projette sont tirés de films racontant des histoires propres aux Prairies. J’ai eu en particulier grand plaisir à visionner des extraits de Circle of the Sun, le film de Colin Low qui porte sur les Indiens du Sang de l’Alberta. (Depuis qu’un midi, j’ai dîné durant six heures chez Colin Low il y a quelques mois, je suis devenue une fervente admiratrice. Quel homme!)

Même si nous sommes lundi soir et qu’il fait -41 degrés (avec cet infâme « facteur de refroidissement éolien »), la participation se révèle assez importante. L’auditoire se compose à la fois de cinéastes de la région, de charmantes dames des bureaux de l’ONF à Edmonton (bonjour Bonnie, Kelly et Faye!), de nouveaux arrivants au Canada (dont un couple iranien qui se réjouit à la seule perspective de raconter des histoires, un exercice qui apparemment n’a pas très bonne presse dans son pays d’origine), de Franco-Albertains, d’étudiants et de défenseurs du dialogue interconfessionnel.

Après la présentation, un francophone arborant une moustache grise qui pointe résolument vers le ciel fait état de son grand projet, qui consiste à multiplier les liens entre les jeunes et les personnes âgées à Edmonton. « Quel genre d’activités peut unir ces générations? » se demande-t-il avant de se déclarer lui-même fasciné de découvrir tous les projets que le cinéma permet d’entreprendre. Il s’estime également ravi (ce sont les mots « rouge de plaisir » qui me viennent à l’esprit alors que je l’écoute) du fait que Tom ait présenté l’extrait d’une prestation de la chorale francophone St-Jean, établie à Edmonton. « J’étais membre de cette chorale, dit-il, rayonnant de fierté. Je suis touché. »

Une femme nous raconte qu’elle s’est établie en Angleterre, mais qu’elle est revenue au Canada « parce que le pays me manquait trop – parole d’honneur ». Elle ajoute que durant son enfance, l’ONF a beaucoup fait partie de son paysage culturel. Récemment, elle a emprunté une collection de films d’animation de l’ONF et a de nouveau craqué pour les histoires.

« J’ai vu un homme qui dansait sur un billot, puis La rue, c’était super! Mon copain, qui est Britannique, ne comprenait absolument rien, dit-elle. La première fois que j’ai visionné La rue, j’étais une jeune rebelle de dix-sept ans, les hormones au plafond, et tout. Ce film a changé ma vie. J’ai décidé de déménager à Montréal. J’ai décidé que je voulais devenir une artiste. »

Dans un autre coin de la salle, une femme explique qu’elle travaille avec les jeunes à risque et qu’elle doit une fière chandelle au personnel du bureau de l’ONF à Edmonton qui lui a toujours ouvert sa porte en accueillant aussi ses jeunes protégés. Elle précise qu’elle a pour principe de laisser les jeunes choisir les activités auxquelles ils veulent participer et que le cinéma arrive toujours en tête de liste. « Les récits sont essentiels au développement de l’identité », fait-elle observer en soulignant la popularité de films comme Les chariots de l’enfer ou comme ceux de la série Playing it Safe. L’ONF a toujours été là pour moi, quel que soit le moment et même si j’arrive sans crier gare ».

Lorsque Tom se renseigne auprès de l’auditoire sur les particularités locales et les récits propres à Edmonton, une femme répond que compte tenu de la diversité de sa population, la ville a la possibilité d’ouvrir la voie aux dialogues qui influent sur l’ensemble de la population canadienne, tant sur le plan du multiculturalisme que sur celui de l’interconfessionnalité. « Il y a le monde entier, ici », dit-elle.

Faisant écho à ce sentiment, une femme qui travaille auprès des réfugiés de la région d’Edmonton raconte qu’elle vient d’entendre une histoire très similaire à celle de Tom, réfugié hongrois arrivé au Canada à l’âge de quatre ans. Il s’agissait ce jour-là d’un enfant érythréen de trois ans et demi.

De son siège dans la première rangée, une femme âgée aux cheveux gris, assise très droite et vêtue d’une longue veste de petite fille, grise aux épaules bouffantes, fait l’éloge de la qualité des films présentés et déclare qu’ils lui inspirent une grande fierté d’être Canadienne. « J’ai enseigné les films de l’ONF en classe quand j’étais professeur d’histoire et aussi à l’étranger comme professeur d’art, dit-elle. Rien ne se compare à la qualité des films de l’ONF. Et j’ai vu bien des documentaires de bien des pays. Ce ne sont pas que du bruit et de l’action. »

Elle adopte ensuite un ton un peu plus sombre et implorant en insistant sur la nécessité pressante  de consigner notre propre histoire, les récits du peuplement de l’Ouest, de la colonisation française des terres qu’on appelle aujourd’hui Calgary et Edmonton. « Il y a une histoire à écrire, dit-elle. Il y a urgence! Il ne restera personne pour témoigner si nous n’agissons pas sur-le-champ. » Il est à son avis impératif de mettre ces récits et d’autres en images à la télévision. « Aujourd’hui, si ce n’est pas à la télévision, ça n’existe pas », conclut-elle.

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  1. Vos commentaires sont fort intéressants et appréciés, car je n’ai pas pu y assister. Notre Bibliothèque fut pendant plusieurs années dépositaire de films en français de l’ONF et continue d’organiser des présentations de films au grand public environ 4-5 fois par an. Je suis d’accord avec ceux qui ont mentionné la popularité des productions régionales qui s’apparentent mieux à notre réalité albertaine. En tout cas, si jamais vous revenez en Alberta je souhaite que la température soit plus agréable. 🙂

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