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Le documentaire, véhicule de transmission des savoirs pour les générations à venir

Le documentaire, véhicule de transmission des savoirs pour les générations à venir

Le documentaire, véhicule de transmission des savoirs pour les générations à venir

Je suis née et j’ai grandi à La Ronge, en Saskatchewan, dans la région du Traité no 6, plus précisément la partie nord de la forêt boréale, bordée par la terre des mille lacs. Comme ma communauté pratiquait la chasse, j’ai connu durant mon enfance un mode de vie fondé sur les ressources naturelles, dont la cueillette et la pêche. J’ai ainsi appris ce qui me reliait à ma communauté et à mes racines paternelles cries des bois.

À l’âge de 11 ans, j’ai vécu mon premier choc culturel lorsque nous avons emménagé à Saskatoon. Dans ce cadre urbain, la survie reposait désormais sur les études. Je tenais pour acquis les connaissances et le savoir-faire que ma famille et ma communauté de La Ronge nous avaient transmis, à ma sœur Annie et à moi. Ce n’est que lorsque j’ai eu moi-même des enfants que j’ai pris la responsabilité, en tant que parent, de favoriser l’établissement d’un lien avec nos communautés.

Le court métrage Des histoires ancrées en nous, que j’ai réalisé en 2019, est né d’un désir du plus jeune de mes enfants, Corwyn, qui souhaitait que sa grand-mère, kokum Marian alors retournée vivre à La Ronge près de la nature, lui apprenne à pêcher. Comme j’ai élevé mes enfants, Corwyn et Dawlari, à Regina, j’ai emmené ces deux jeunes urbains à La Ronge. Ils allaient ainsi pouvoir manger du poisson frais pêché dans les lacs nordiques de la région de mon enfance, et apprendre des différents membres de la famille. Corwyn estimait que cela comblerait une lacune de leur système de connaissances.

Dawlari Windolph, Annie Charles, Irene Otter, Janine Windolph, Corwyn Windolph-Turtle, au Centre culturel de la Première Nation crie de Waswanipi.

Je me souviens qu’enfant, j’avais ma canne à pêche et je cherchais les meilleurs emplacements pour prendre du poisson le long de la rivière Montréal. Des histoires ancrées en nous a donc été conçu dans l’esprit du cinéma-vérité : regarder mes enfants apprendre à pêcher et partager cette expérience avec la famille à l’occasion d’un repas. J’avais pour objectif d’adopter une attitude moins directive et plus participative : comme on me le disait quand j’étais jeune, « commence par agir et les enseignements suivront ». Ce film est centré sur la transmission des savoirs intergénérationnels par l’engagement à l’égard de la terre, la pêche et la cuisine à l’extérieur.

Quand j’étais jeune, personne ne m’a parlé de l’histoire de ma famille crie atikamekw. Je n’ai donc rien su de ma lignée maternelle jusqu’à l’âge d’environ huit ans, lorsque ma grand-mère, nohkum Caroline, qui m’a élevée et m’a appris les enseignements de base, a été renvoyée dans la nation crie de Waswanipi, au Québec. On m’a par la suite expliqué qu’elle avait souffert d’amnésie pendant plusieurs années et qu’elle avait disparu de sa communauté après avoir subi un traumatisme à la tête. En 2023, j’ai tourné Notre terre maternelle, un film sur mes enfants et sur ma sœur et moi qui renouons à Waswanipi avec ma tante Irene et avec la communauté où vivait ma grand-mère. On m’a toujours dit que c’était le lieu d’origine des enseignements que j’ai reçus et de mon identité.

Notre terre maternelle – (Bande-annonce), Janine Windolph, offert par l’Office national du film du Canada

J’en suis arrivée à axer ma pratique de conteuse, de formatrice et de cinéaste sur la guérison intergénérationnelle, et sur le besoin de prendre le temps de transmettre les histoires, les connaissances, le savoir-faire et les cérémonies à la prochaine génération. Pour Notre terre maternelle, j’ai choisi de parcourir la terre à pied, de cueillir des ingrédients et de préparer une fête à l’intention des personnes aînées de la communauté, tout en rendant hommage aux ancêtres qui nous ont précédés, en particulier nohkum Caroline. J’avais espoir que la communauté voudrait bien accueillir et accepter mes enfants comme membres de sa lignée familiale et honorer l’héritage laissé par ma grand-mère.

En tant que conteuse, j’estime que le cinéma documentaire constitue le véhicule le mieux adapté à ma démarche. Il me permet de documenter le processus, de consacrer du temps et des ressources à la transmission des savoirs, de partager des enseignements et, avec la participation de mes enfants, de donner un espoir pour l’avenir tout en réfléchissant au passé et à ceux et celles qui nous ont précédés. 

En tant que mère et documentariste, j’ai constaté que durant chaque film, mes enfants franchissent plusieurs paliers d’apprentissage et d’expérience. D’abord, ils m’aident à planifier ce que nous allons faire dans le cadre du film. Ensuite, ils en font l’expérience durant la production. Enfin, au cours de la postproduction, ils réfléchissent aux moments les plus importants. Tout cela conduit à partager ce vécu avec d’autres. En revoyant Des histoires ancrées en nous quelques années plus tard, de nouvelles leçons leur sont apparues et ils se sont rappelé des choses qu’ils avaient oubliées au fil du temps. Ce processus les a en outre menés à devenir des conteurs à leur tour. Je me prends à rêver que peu importe le chemin qu’ils prendront, mes enfants choisiront de continuer à cultiver le savoir-faire appris sur la terre avec la famille et la communauté, et à réaliser des documentaires qui feront écho aux expériences qu’ils ont vécues en partant à la découverte des histoires familiales.

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