Appelez-moi Skylar, deux ans plus tard
Les membres de la famille Côté — Marcel, Jill, Josh et Skylar — font tous preuve d’intégrité et de compassion envers les autres, des traits si profondément ancrés en eux que leur humanité transparaît sans peine dans le documentaire Appelez-moi Skylar.
Il était déjà clair pour notre équipe que Skylar, âgée de 13 ans lorsque nous avons tourné le film, avait hérité de ces qualités. Elle parlait de son expérience de personne trans de façon directe, ouverte et franche.
Skylar est un être lumineux.
Nous avons produit le documentaire juste avant que Skylar n’atteigne la puberté. Elle a maintenant 15 ans. J’ai voulu savoir ce qui s’était passé dans sa vie depuis sa participation à Appelez-moi Skylar.
R : Quels changements physiques as-tu vécus depuis le tournage ?
S : J’ai pris des œstrogènes et ça a déclenché le début de ma puberté. Je ressens ce que vit une personne née dans le corps d’une femme à la puberté, sauf que, biologiquement, je ne peux pas avoir de règles.
R : Et sur le plan émotionnel, ça a entraîné des effets ?
S : Prendre de nouvelles hormones signifie qu’il y a des jours où je suis triste et d’autres où je suis vraiment énergique ; j’ai des hauts et des bas, mais ça se passe quand même bien.
R : Tu as dit : « Si votre enveloppe ne vous fait pas, essayez-en une autre. » Que signifie pour toi le fait de vivre authentiquement ?
S : Vivre selon ma propre vérité, c’est vivre une vie heureuse et extraordinaire — c’est être authentique avec moi-même et avec les autres. C’est ce que j’ai dit dans le documentaire et je le pense toujours à 100 %.
R : Pourquoi est-il important que chacun trouve sa propre enveloppe ou vérité et vive sa vie au maximum ?
S : Parce que chacun mérite de vivre tel qu’il est vraiment.
R : Tu nous as dit ton morinom dans le documentaire. Pourquoi nous as-tu laissés l’utiliser, et pourquoi ne devrait-on jamais employer les morinoms des gens ?
S : Un morinom est le prénom qu’une personne transgenre a reçu à la naissance. C’est offensant pour quelqu’un qui vit une transition parce que cela le ramène à son ancienne vie. Cette personne a déjà beaucoup de choses à gérer. Cela montre que vous ne l’acceptez pas, et c’est méchant.
Certains aspects du passé sont parfois encore difficiles à évoquer pour moi. Il y a des moments où je rame encore, oui, mais j’essaie de mon mieux d’accepter le passé, donc ces moments sont de moins en moins nombreux. Et c’est une des raisons pour lesquelles je vous ai laissés utiliser mon morinom dans le documentaire : pour accepter le passé. De plus, sur le plan narratif, il était important pour moi de raconter toute l’histoire de ma vie. Quand on fait un documentaire, on n’omet pas certaines parties, sinon on n’obtient pas un résultat fidèle.
Et puis, je vous ai fait confiance à vous, Rachel, à l’ONF et aux personnes travaillant sur le documentaire pour que le film soit respectueux, et ce fut le cas.
R : Sais-tu si le documentaire a eu des répercussions dans la vie de certains ?
S : Des gens sont venus me voir et m’ont dit qu’il les avait changés. Je n’ai pas assisté à toutes les projections publiques, donc je ne sais pas quel effet il a eu, mais j’espère qu’il a pu aider quelqu’un parce que c’était le but.
R : Le fait d’avoir été devant la caméra t’a-t-il donné envie de l’être à nouveau ?
S : Absolument ! Depuis que je suis jeune, je rêve d’être actrice, et j’espère encore aujourd’hui le devenir. C’est la raison pour laquelle je prends des cours de jeu, et pourquoi j’aime autant ça. Mon objectif est de me rendre à Hollywood ou sur Broadway. Broadway, ça représente beaucoup pour moi. J’ai plein d’affiches de pièces dans ma chambre. Je regarde constamment des comédies musicales — c’est d’ailleurs pas mal juste ça que j’écoute. J’espère qu’un jour je pourrai atteindre mon but et jouer sur Broadway, et si ce n’est pas le cas, j’espère participer à un film qui agirait comme un tremplin. Vraiment, c’est ma carrière de rêve — être devant une caméra, être actrice. Le documentaire, c’était ma vraie vie, mais mon travail, je veux que ce soit actrice.
R : Ta famille comprend que des moments les plus sombres peut parfois jaillir la lumière. Au moment où on se parle, on vit avec la pandémie de COVID-19. Comment occupes-tu ton temps ?
S : Ce qui est drôle, c’est que je suis un cours de théâtre hebdomadaire en ligne de l’Acting Up Studio. Celui-ci est situé à West Reading, en Pennsylvanie, à quelques heures de New York. C’est un peu comme si, grâce à ça, je me rapprochais de Broadway. Les cours ont lieu le lundi soir, ils sont super amusants jusqu’ici et je les apprécie vraiment.
Je fais aussi du lèche-vitrine. Je n’ai pas beaucoup d’argent pour acheter des trucs, mais une fille a bien le droit de rêver ! J’aime regarder les vêtements, et les articles griffés, surtout les sacs. Et les accessoires de cinéma ! Je m’intéresse beaucoup à ça et à la mode. C’est récent comme intérêt, mais je trouverais ça cool de posséder un vêtement ou accessoire qui a déjà été utilisé dans un film, comme un petit morceau d’histoire.
J’ai aussi mis de l’ordre dans ma chambre. J’ai du plaisir à faire ça. J’ai regardé beaucoup d’émissions de télévision. Et je m’amuse avec mes amis sur Zoom et Facetime parce que c’est difficile pour nous tous. Mais en même temps, il faut qu’on s’en sorte, et on s’efforce de passer au travers.
R : Qu’est-ce qui est facile pour toi maintenant, et qui était difficile auparavant ?
S : J’aurais aimé répondre les maths, mais non, c’est toujours difficile ! Alors, je dirais les aptitudes sociales. Je n’avais pas tant de difficulté avec ça quand j’étais plus jeune, mais en vieillissant, et avec la puberté, elles se sont améliorées. Aussi, la défense des droits. C’est plus facile maintenant parce que je connais la terminologie et je sais comment mieux défendre la cause transgenre. Je fais de mon mieux pour continuer à apprendre et à comprendre.
R : Quel est ton plat préféré ?
S : Ohhhhh, des ailes de poulet au sel et poivre accompagnées de crème sure, ou un steak. Assurément les aliments que je préfère le plus au monde.
R : Une chose qui te rend particulièrement enthousiaste cette année ?
S : Je vais avoir 16 ans, j’ai très hâte de passer mon permis de conduire.
VISIONNEZ APPELEZ-MOI SKYLAR
Appelez-moi Skylar, Rachel Bower, offert par l’Office national du film du Canada