Deux façons inédites de découvrir le Parlement
Grâce à une nouvelle coproduction de la Bibliothèque du Parlement et de l’ONF, le Parlement du Canada peut maintenant être « visité » par le biais d’une expérience virtuelle ou en ligne.
Intitulé Parlement, le projet regroupe deux œuvres originales visant à éclairer la démocratie canadienne à travers les lieux emblématiques du célèbre bâtiment. Émilie F. Grenier, directrice de création, nous explique les défis artistiques et les particularités des deux expériences conçues.
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« Un projet à deux déploiements »
Le mandat confié à la conceptrice d’expériences narratives Émilie F. Grenier, il y a deux ans, était de taille : imaginer deux œuvres qui, pendant les dix ans de rénovations majeures de l’édifice du Centre du Parlement (fermé depuis décembre 2018), permettraient de continuer à le faire découvrir.
« La Bibliothèque du Parlement est venue voir le Studio interactif de l’ONF pour créer des visites virtuelles engageantes et immersives sur différentes plateformes, avec différents niveaux d’accessibilité », raconte-t-elle, en expliquant que puisque la RV est encore réservée à un public assez restreint, il fallait absolument trouver une façon de rejoindre aussi les gens sur leur téléphone intelligent ou leur ordinateur.
Mais Émilie ne voulait surtout pas que l’expérience mobile soit « le petit frère pauvre » de la virtuelle : « Notre but était de créer deux projets qui auraient une ombrelle commune — la trame sonore —, mais dont le visuel et l’expérientiel seraient uniques dans leur déploiement. » Et ce, même si les deux créations obéiraient à une même direction artistique et seraient conçues par la même équipe, en assez peu de temps.
« Disons que c’est loin d’être une visite virtuelle sur CD-ROM ! ajoute-t-elle en riant. Ce sont plutôt deux expériences immersives, sur le processus démocratique canadien, qui se déploient à travers un édifice, en 2D ou en 3D. »
Vers un réalisme magique
En plus de s’adresser à des personnes de diverses générations, avec des centres d’intérêt, des connaissances et des niveaux de maîtrise des technologies variés, ces visites devaient « bien vieillir ». « Les œuvres doivent être aussi pertinentes aujourd’hui que dans cinq, dix ans, voire plus. Comment créer quelque chose de pérenne sur des plateformes qui évoluent aussi rapidement ? »
Les créateurs de Parlement ont longuement réfléchi à la question, et ils ont décidé d’orienter leur travail vers des expériences qui, sans remplacer la déambulation physique dans l’édifice du Centre, demeureraient complémentaires — même après sa réouverture, selon Émilie. La solution employée, pour les deux volets du projet, a été le réalisme magique :
« Le réalisme magique a été à la base de toutes nos décisions créatives. Le réalisme, c’est l’édifice. C’est toujours le point de départ : quand on entre dans une salle, on la découvre telle qu’elle existe, avec ses nombreux ornements, ses sculptures… Et ensuite, l’édifice et ses murs prennent vie. C’est la partie “magique”, pour déchiffrer l’édifice : l’expérience virtuelle utilise la couleur et ce qu’on a appelé le stream of light, et pour la version mobile, c’est plutôt l’illustration, avec des animations pour soutenir le contenu. On a en quelque sorte organisé une chorégraphie du regard. »
Pour la portion « réaliste » du projet, l’équipe de création a pu s’appuyer sur les travaux du Carleton Immersive Media Studio (CIMS), un groupe de recherche universitaire en architecture mandaté par le gouvernement pour numériser en 3D l’édifice du Centre en vue de sa rénovation. « C’était un privilège de collaborer avec tous ces chercheurs et spécialistes. On a pu intégrer aussi des points de vue auxquels on n’aurait pas accès lors d’une visite normale. Parfois, on se met même à flotter ! » révèle Émilie.
« Comment faire parler les murs ? Et comment faire éprouver, dans une expérience 2D ou 3D, tout ce qu’on peut ressentir dans l’espace réel ? Je pense que ça passe par l’émerveillement. »
Ce contenu offert par le CIMS a ensuite été enrichi et développé par le studio Dpt. et l’illustrateur Stéphane Poirier pour créer la structure physique et narrative des expériences et y « faire atterrir la magie ». « Le studio Dpt. a une solide expertise en matière d’expérience utilisateur RV et d’expériences web non linéaires, dit Martin Viau, directeur de la technologie dans le cadre du projet. Et ils comprennent d’instinct ce qui fait un bon récit de nature documentaire. » L’expérience est à la hauteur de l’engagement. Lorsque vous vous déplacez dans l’espace, tantôt au niveau du sol, tantôt en hauteur, vous vous trouvez essentiellement dans cet espace. Rien qu’avec vos yeux, vous explorez tout simplement ce qui vous entoure. C’est parfaitement intuitif.
Place à la voix
La narration de Parlement, qui s’appuie sur le travail de documentation des employés de la Bibliothèque du Parlement, joue un rôle central dans les deux expériences : c’est elle qui sert de guide au visiteur virtuel. « Quand on s’est demandé qui serait la voix du Parlement, on s’est dit qu’il fallait absolument que ce soit celle d’une jeune femme », se souvient Émilie. Elle est ravie du choix de la chanteuse et actrice Stéphanie Lapointe, pour la version française, et de Jeni Ross, en anglais.
La trame sonore de l’œuvre — tronc commun des deux expériences — a été confiée au compositeur David Drury, qui a fondé l’entièreté de son travail sur la voix. « Après tout, ça s’intitule Parlement, c’est donc basé sur la parole, la voix. David a fait un travail hallucinant pour créer la musique originale avec une chorale, pour que la voix ait toute sa place. »
La trame de Parlement comprend aussi plusieurs archives sonores vocales qui ont été amalgamées pour suggérer la grandeur du lieu. « Le Parlement est un édifice néogothique avec un feeling vraiment particulier. C’est comme dans les grandes cathédrales : on voit des fantômes même s’il n’y en a pas. On a voulu remplir l’espace de voix. On révèle des couches d’histoire à travers la chaleur de la voix humaine. »
Émilie F. Grenier est également la créatrice de l’installation interactive produite par l’ONF Mode avion, qui peut être découverte au Musée de la civilisation de Québec jusqu’au 31 janvier 2021.