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Les chansons de mon père : au carrefour de la santé mentale et de la musique

Les chansons de mon père : au carrefour de la santé mentale et de la musique

Les chansons de mon père : au carrefour de la santé mentale et de la musique

Alors que nous sommes aux prises avec la réalité surréaliste et fluctuante de l’isolement (en raison de la Covid), Les chansons de mon père et sa réflexion sur la maladie mentale prend vraiment tout son sens. Le film explore la relation qui unit deux musiciens de grand talent : Gene MacLellan et sa fille Catherine.

Ce texte a été traduit de l’anglais. Pour consulter la version originale.

Celle-ci n’avait que quatorze ans lorsque Gene s’est suicidé. L’héritage qu’il lui a laissé — le combat contre la maladie mentale —, de même que son pouvoir créateur ont façonné la vie de la jeune femme et l’ont amenée à acquérir une maîtrise artistique qui lui appartient en propre.

VISIONNEZ LE FILM LES CHANSONS DE MON PÈRE

Gene figure parmi les auteurs-compositeurs canadiens à avoir connu la plus grande réussite de tous les temps. Cette année marque le 50e anniversaire de sa chanson Snowbird (que l’idole canadienne Anne Murray a portée sur la scène internationale). Catherine MacLellan s’était préparée à souligner l’événement en organisant un spectacle hommage à Anne Murray avec l’orchestre Symphony Nova Scotia, mais la soirée a bien sûr été annulée, comme la plupart des autres manifestations culturelles.

Le sentiment d’isolement peut se trouver au cœur même d’un combat contre la maladie mentale : la personne se sent coupée des autres, quantité négligeable et rien ne l’intéresse. Or, les crises bien réelles liées à l’isolement que provoque la pandémie chez beaucoup de gens aggravent forcément cet état. En ce moment et plus que jamais, la question de la santé mentale doit alimenter nos conversations et nos réflexions. Souffrir en silence peut se révéler fatal. C’est d’ailleurs le message que Catherine MacLellan était résolue à transmettre au monde lorsqu’elle a accepté de faire ce film avec moi.

Je ne me sentais pas très à l’aise de demander à Catherine de s’engager sur la voie de ce documentaire. Je la connaissais depuis des années (nous vivons toutes deux à l’Île-du-Prince-Édouard où tout le monde se connaît) et nous avions collaboré à des vidéoclips, mais le processus de création d’un documentaire se révèle parfois long et ardu, en particulier lorsque le film porte sur votre vie personnelle !

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Images tirées du film Les chansons de mon père

ONF

Je savais que j’allais solliciter à la fois sa vulnérabilité et son courage, et qu’elle allait devoir faire preuve d’une grande patience. Mais Catherine était déterminée à transformer sa propre expérience de la dépression, ainsi que les conséquences de la perte de son père, en quelque chose qui pourrait aider d’autres personnes à avoir une meilleure prise sur leur vie. En tant que réalisatrice, je n’ai cessé d’être étonnée, durant les trois ans qu’a nécessité la réalisation du film, de l’insistance qu’elle manifestait à l’égard de la vulnérabilité et de l’ouverture. Ce sont ces qualités (les siennes et celles de sa famille) qui rendent Les chansons de mon père si passionnant. Ces qualités, et la musique !

Les chansons de Gene et de Catherine sont intemporelles et le film constitue aussi un hommage à leur création artistique. Il existe un lien entre le combat, la sensibilité, la tristesse et l’expression créatrice. La tristesse n’est peut-être pas nécessaire à la création (elle peut en fait freiner la créativité), mais l’expression artistique reste un moyen parmi d’autres de canaliser les sentiments qui nous accablent. La démarche de création jette souvent un baume sur les plaies que nous inflige la vie. Les combats que Gene a menés ont indéniablement contribué à l’universalité et à la portée de son œuvre.

Les chansons de mon père est paru en 2018 et Catherine et moi l’avons accompagné dans les festivals partout au Canada. Pour appuyer le film, Catherine a présenté des spectacles musicaux spéciaux et s’est prêtée à des séances de Q et R. Sa présence auprès du public conférait à la projection une profondeur accrue. Cette collaboration nous a en outre donné la chance de nous lier d’amitié sans que la caméra s’interpose entre nous, ce qui a été vraiment particulier. Les chansons de mon père a ouvert le festival Rendezvous with Madness au cinéma HotDocs de Toronto, et a récolté des prix au Festival international du film de l’Atlantique FIN, au Lunenburg Doc Fest, au festival Silver Wave et au Scottish Mental Health Arts Festival. Catherine a accordé une entrevue à Tom Power de l’émission q de CBC à propos du film ! C’est vraiment formidable que Les chansons de mon père soit diffusé sur ONF.ca et il est à espérer qu’en cette période d’isolement extrême, le film apportera un réconfort et des pistes de réflexion aux spectateurs qui mènent leur propre combat.

J’ai joint Catherine par courriel pour lui demander de me communiquer ses réflexions sur le film, sur le 50e anniversaire de Snowbird, ainsi que sur la santé mentale en cette période particulièrement difficile.

Q : Comment vas-tu en ce moment ? Quel est l’effet de l’isolement sur ta santé mentale et sur ta créativité ? Comment te débrouilles-tu ?

J’ai l’impression que cette période d’isolement agit à la manière d’une loupe sur mes émotions. Comme j’ai plus de temps pour en prendre conscience, elles m’apparaissent plus intenses et plus instables. Ma joie est plus joyeuse et ma tristesse, plus triste : des émotions en montagnes russes. Mais cette période me laisse aussi le temps de m’exercer à utiliser tous les outils que j’ai accumulés au fil des ans. J’en profite pour me plonger dans la méditation et le yoga, pour bien manger et pour marcher davantage. Il m’arrive tout de même souvent de manger de la crème glacée au déjeuner et d’écouter Netflix toute la journée. Il n’y a pas vraiment de règle stricte, si ce n’est mon engagement à l’égard de mes séances de méditation.

Q : Quel est ton sentiment à propos du film, presque deux ans après sa parution initiale ? Les chansons de mon père a-t-il rejoint les gens ? Quel effet a-t-il produit, à ton avis ?

Mais comment est-il possible que presque deux ans se soient déjà écoulés! Je suis si fière de ce documentaire et de la trajectoire qu’il a parcourue, avec et sans nous, dans les festivals de cinéma et les événements, puis en ligne chez les gens. J’ai reçu tellement de commentaires fantastiques à propos du film ! Il a assurément touché le cœur des gens et il est devenu une histoire qui permet à chacun de parler librement de la maladie mentale et de son propre parcours. Pour moi, c’est le meilleur résultat possible.

Q : Au cours des deux dernières années, tu as consacré beaucoup de temps à commémorer la vie et l’œuvre de ton père. Nous avons fait ce film. Durant deux étés complets, tu as monté un spectacle sur scène portant sur sa vie et sa musique. Tu as lancé un album hommage qui rassemble ses chansons. Comment ce parcours s’est-il déroulé et quel rapport entretiens-tu à présent avec l’œuvre de ton père ?

Ces quelques dernières années ont été extraordinaires. J’ai beaucoup appris à propos de mon père, de moi, de la santé mentale et de l’histoire de la musique, au Canada et partout au monde. Mais cette période a été intense et à certains moments, j’ai voulu tout lâcher et fuir vers la sécurité en restant à la surface de ma relation avec mon père. Je suis si contente que toi et ce projet ayez été là pour me pousser à approfondir, à chercher et à m’interroger. Tout ça a transformé ma vie et m’a vraiment permis d’aller de l’avant.

Q : Tu as dû être déçue de devoir annuler l’hommage à Anne Murray soulignant le 50e anniversaire de Snowbird… Prévois-tu le présenter plus tard sous une forme ou une autre ? Quels sont tes rapports avec Anne Murray, en ce moment ?

Il m’a été très difficile d’annuler toutes mes tournées, mais celle-ci avait nécessité tant d’heures de travail, tant de personnes, que c’était vraiment déchirant. Comme il s’agissait d’une collaboration avec Symphony Nova Scotia, rassembler tout ce monde de nouveau ne sera pas facile. Il est question de réessayer en 2022, alors j’attendrai en me croisant les doigts !

Millefiore Clarkes, Catherine MacLellan et Anne Murray

Je n’ai jamais eu de relation personnelle très étroite avec Anne Murray, mais elle a été très aimable de m’aider pour le documentaire et de me transmettre des photos des débuts à intégrer à mon spectacle sur scène. Je lui dois énormément. Et le fait d’apprendre toutes les chansons en vue du spectacle avec l’orchestre symphonique m’a amenée à constater à quel point sa carrière a été formidable et diversifiée. Je me promène maintenant dans la maison la tête remplie de ces chansons — en attendant d’avoir la chance de les chanter à des gens réunis dans une salle.


Photo d’en-tête par David Sheffield

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