Nouveauté sur ONF.ca : Pauline Julien, intime et politique
Vingt ans après le décès de Pauline Julien, Pascale Ferland livre un touchant film d’archives qui reconstitue le parcours de cette grande artiste en prenant pour ancrage des moments charnières de l’histoire du Québec.
Pascale Ferland (Adagio pour un gars de bicycle) a eu l’idée de cet hommage en 1999. C’était à peine un an après le triste suicide de la chanteuse, tandis que la cinéaste planchait sur son premier long métrage, L’immortalité en fin de compte.
Pour créer ce documentaire sur l’art brut, la réalisatrice avait embauché une spécialiste de la question : Pascale Galipeau, la fille de Pauline Julien. Elle lui avait alors demandé si elle accepterait qu’elle fasse un film sur sa mère. Les archives étant sous scellés pour au moins dix ans, le projet n’était pas possible, raison pour laquelle la cinéaste l’a mis de côté, pour y revenir… quinze ans plus tard.
Pauline Julien, intime et politique, Pascale Ferland, offert par l’Office national du film du Canada
« Pour moi, Pauline Julien était surtout une chanteuse que ma mère aimait beaucoup. Je savais que c’était une personne importante, et j’avais un vague souvenir de ses actions politiques des années 1960-1970… mais j’étais beaucoup trop jeune à l’époque pour avoir connu toute sa carrière. »
En 2011, le réalisateur Simon Beaulieu a proposé un film-hommage à Gérald Godin, qui a partagé sa vie avec Pauline Julien pendant de nombreuses années. Cette œuvre a fait renaître chez Pascale Ferland ce désir d’honorer la mémoire de Pauline.
« Je me suis alors mise à réfléchir sur la façon de faire, à ma manière, un film d’archives différent de Godin, qui soit vraiment axé sur elle. »
Un imposant travail d’archives
Quelques années plus tard, Pascale Ferland a recroisé par hasard son ancienne collaboratrice Pascale Galipeau, qui lui a annoncé qu’elle lui confierait les archives de sa mère si elle souhaitait toujours en faire un film. « C’était une vraie boîte de Pandore! s’exclame la réalisatrice. Il y avait 500 lettres d’amour, des journaux intimes, toutes les archives familiales qu’elle possédait. »
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Pascale Ferland s’est alors mise à s’intéresser à toutes les contrées visitées par Pauline Julien durant l’âge d’or de sa carrière de chanteuse. Elle a ainsi déniché en France, au Luxembourg et dans plusieurs autres pays des trouvailles inédites. Pendant un an, 70 boîtes de documents sur l’artiste ont ainsi dû être épluchées, sans oublier une trentaine d’autres portant sur Godin. Un travail colossal, à partir duquel Pascale Ferland a pu constituer un gigantesque tableau qui lui a permis d’assembler le film avec le monteur René Roberge.
« À partir de tout ce que j’avais recueilli, il était évident que Pauline avait évolué avec l’histoire du Québec. Toute l’idée du pays, de sa genèse jusqu’à son explosion. Donc, j’ai décidé de contextualiser toute la vie de Pauline en reliant ses moments-clés avec les événements politiques et historiques auxquels elle a participé. »
Des défis à surmonter
Comme la carrière musicale de Pauline Julien s’est échelonnée sur quelques décennies, et qu’il était impossible d’inclure des extraits de toutes ses chansons majeures, des choix déchirants ont dû être faits.
« Par exemple, Une sorcière comme les autres ne se retrouve pas dans le film et c’est une si belle chanson! Comme on ne pouvait pas la mettre au complet, et qu’on n’arrivait pas non plus à la charcuter, René et moi avons décidé de ne pas la mettre du tout. »
La cinéaste donne toutefois l’exemple du Temps des vivants, qui joue un rôle-clé dans son film. « C’est un équilibre assez difficile à trouver! Il y a une question de rythme, et on a toujours été très soucieux de respecter la poésie et le message que les chansons de Pauline véhiculaient. »
Pauline Julien, intime et politique contient aussi bon nombre de magnifiques textes écrits par l’artiste, dans lesquels elle aborde l’aphasie dégénérative dont elle était atteinte, le décès de Gérald Godin survenu en 1994, ou encore des réflexions sur son suicide à venir.
Une autre difficulté importante rencontrée par Pascale Ferland : en raison de la maladie de Pauline, la dernière période de sa vie n’était pas documentée.
« J’avais des tonnes d’archives sur sa période active, mais à partir du moment où elle est devenue très aphasique, plus rien. J’ai donc décidé de laisser place à l’onirisme. Il a fallu être créatifs pour évoquer son monde intérieur, même si on ne disposait pas d’images… »
Pour y parvenir, elle a entre autres utilisé des extraits visuels de Fabienne sans son Jules, une réalisation de Jacques Godbout pour l’ONF.
Fabienne sans son Jules, Jacques Godbout, offert par l’Office national du film du Canada
« Merci, Jacques Godbout, d’avoir fait un film avec des images de Pauline aussi extraordinaires! Parce que c’est de la fiction, ce film m’a permis de créer un monde onirique, de suggérer son intériorité. »
Pascale Ferland s’est également rendue au Mexique pour interviewer Alan Glass, qui était l’un des meilleurs amis de la célèbre chanteuse. Elle en a aussi profité pour filmer la mer.
« Dans ses écrits, la mer joue un rôle très important. Ça l’émouvait, ça la calmait. Même si ce n’est pas dit dans le film, j’ai choisi d’utiliser ce motif qu’elle aimait tant. Je m’en suis servie pour entrer en elle », explique la réalisatrice, qui planche en ce moment sur deux longs métrages de fiction.
Si vous êtes des admirateurs de Pauline Julien, vous aimerez peut-être aussi le spectacle La Renarde, sur les traces de Pauline Julien, une autre forme d’hommage à la grande artiste que Pascale Ferland dit avoir énormément appréciée. Présenté en première le 8 juin dernier aux Francos de Montréal, l’événement connaîtra des supplémentaires dans plusieurs régions du Québec en février et mars 2019.