Mon yiddish papi : Récit d’une promesse tenue
La cinéaste, bédéiste et auteure de romans graphiques d’origine juive Éléonore Goldberg mène depuis plusieurs années une démarche artistique nourrie par les thèmes de l’immigration, de l’exil, de la guerre et de la Shoah.
Son touchant court métrage d’animation Mon yiddish papi revisite ces thèmes sous un angle très personnel, en honorant la promesse faite à son grand-père de raconter son histoire.
Dès 2006, dans Soixante ans après la libération des camps, la créativité d’Éléonore s’est inspirée de récits familiaux.
« Mes premières planches de BD découlent d’un événement qui est arrivé à ma famille quand j’avais 18 ans : une attaque antisémite assez violente sur notre lieu de résidence. »
– Éléonore Goldberg
Mon yiddish papi, Éléonore Goldberg, offert par l’Office national du film du Canada
Sa réflexion très riche s’est poursuivie avec Le mur, portant sur la guerre, ainsi qu’avec ses courts métrages Exil et Errance, abordant respectivement l’immigration et la Shoah. Elle a ensuite renoué avec le thème de l’exil dans son film Le cinéaste, un hommage à Jafar Panahi, et avec celui de la guerre dans le roman graphique La demoiselle en blanc.
C’est en 2011 qu’Éléonore a rédigé le scénario de Mon yiddish papi, qui lui a valu le prix SODEC/SARTEC, accompagné du Prix spécial du jury, au concours Cours écrire ton court. Créer ce film était pour elle une nécessité, puisqu’elle avait promis à son grand-père de mettre en images ses aventures en tant que résistant à Paris, durant la Seconde Guerre mondiale.
« La culpabilité s’est abattue sur moi dès l’annonce de son décès et c’est devenu une idée fixe », révèle Éléonore, qui aborde justement ce sentiment dans le film. Mon yiddish papi revisite certains des sujets qui l’habitent depuis longtemps, mais avec un angle très différent : l’artiste s’y dessine elle-même, et met en scène la relation qu’elle entretenait avec son grand-père.
« J’y parle de ma peur de ne pas être aussi courageuse que lui, et je dis des choses plus directement que dans mes projets précédents. »
L’animation est traversée par une magnifique chanson – qu’elle associe à l’amour que lui portait son grand-père. « Je ne crois pas que la BD aurait été le bon médium pour ce projet, car il me fallait cette chanson. Certains projets naissent avec un son particulier. Sans oublier la danse. Il me fallait le mouvement de la danse, c’est venu très vite dans l’écriture de Mon yiddish papi. »
Dessiner des fleurs
Si l’ensemble de ces thématiques continue manifestement de passionner Éléonore et d’alimenter sa démarche, elle révèle toutefois son désir d’entreprendre de nouvelles avenues.
« Je commence à être fatiguée de dessiner la guerre. Dessiner la Gestapo, le Vélodrome d’hiver, Pétain et Hitler se serrant la main, des Juifs faisant la queue pour mourir… Ce n’est pas très agréable! J’avais plutôt envie de dessiner des fleurs et des étreintes amoureuses… »
« Si j’aborde la culture juive dans mon travail, c’est parce qu’elle m’inspire beaucoup d’idées et d’images. C’est de l’ordre du plaisir », poursuit la réalisatrice. « À présent, j’ai envie d’aborder la culture juive pour ce qu’elle a de vivifiant. »
Son prochain film devrait lui aussi être un récit autobiographique, cette fois axé sur son enfance passée à Kinshasa. Éléonore prépare également une bande dessinée portant sur le folklore ashkénaze. « Je ne dis pas que je ne reviendrai pas sur les thèmes de la guerre et de la Shoah, mais j’ai besoin d’une petite pause… »
Mon yiddish papi est une coproduction de l’ONF (Julie Roy) et de Picbois Productions (Karine Dubois).