L’ONF et le militantisme satirique : une tradition
Cette semaine, l’ONF lance Déchéance publique : Messages de déchéance publique pour une nouvelle ère, une série de 14 très courts métrages qui expose avec mordant la décadence de la société moderne. La programmation compte des réalisateurs de talents, tels que Theodore Ushev, en nomination aux Oscars cette année, et Munro Ferguson. En tout, une quinzaine de réalisateurs canadiens nous offrent leur message d’intérêt public.
L’usage du cinéma au service de la satire et de la dissidence n’a rien de nouveau. Les cinéastes de la nouvelle génération s’inscrivent dans une tradition de longue date de l’ONF. Retour sur quatre œuvres contestataires.
La faim : le regard catastrophiste de Peter Foldès
La faim, Peter Foldès, offert par l’Office national du film du Canada
En 1974, Peter Foldès présente son court métrage d’animation La faim, qui reçoit le Prix du jury – Court métrage au Festival de Cannes. Le film sert de critique macabre à la surconsommation occidentale, qui mène vers un gouffre malsain et une potentielle révolte populaire des démunis de notre planète. Il a également réalisé Metadata pour l’ONF, qui, à l’époque, relevait de la prouesse technique.
L’animateur britannique s’était fait remarquer en 1956, alors que son court métrage d’animation apocalyptico-nucléaire A Short Vision a été diffusé à deux reprises lors du très populaire Ed Sullivan show.
Sens devant derrière : l’œuvre expérimentale d’un passionné d’art inuit
Sens devant derrière, Raymond Brousseau, offert par l’Office national du film du Canada
Le quotidien urbain, version Bizarro World: le monde est à l’envers.
S’il laisse sa marque en tant que cinéaste, professeur et artiste peintre, Raymond Brousseau sera surtout célébré pour sa collection d’art inuit, qui deviendra, non sans complications administratives, la collection Brousseau, une exposition permanente au musée national des Beaux-Arts du Québec.
En 2005, Raymond Brousseau est fait chevalier de l’Ordre national du mérite par le président français Jacques Chirac.
Moi, un savon : le délire anthropomorphique d’un poète
Moi, un savon, Claude Péloquin, offert par l’Office national du film du Canada
C’est Claude Péloquin qu’on peut créditer pour la phrase désormais mythique « Vous êtes pas écœurés de mourir bande de caves ! » qui a fait scandale sur la murale du Grand Théâtre de Québec en 1970.
Il compose les textes pour l’Osstidcho, dont la chanson Lindberg, son plus grand succès, chantée par Robert Charlebois et Louise Forestier, et qui lui vaudra un prix Félix-Leclerc pour meilleure composition canadienne de l’année en 1969.
En 1971, Claude Péloquin remporte le prix du meilleur scénario non-dramatique aux Canadian Film Awards à Toronto pour son documentaire L’homme nouveau, produit par l’ONF.
Jouets : l’aspect moins ludique des jeux pour enfants
Jouets, Grant Munro, offert par l’Office national du film du Canada
Dans Jouets, Grant Munro met en scène des jouets pour enfants, alors que leurs propriétaires potentiels les regardent avec joie et rires. Mais le tout tourne très rapidement au vinaigre lorsque les petits soldats reproduisent ce pour quoi ils sont conçus : la guerre.
Munro était visiblement pacifiste. Il a collaboré avec Norman McLaren sur de nombreux projets à l’ONF. C’est même lui qu’on voit dans Voisins, aux cotés de Jean-Paul Ladouceur, une ode à la paix qui finira par remporter un Oscar.
Voisins, Norman McLaren, offert par l’Office national du film du Canada
En 2008, Michaëlle Jean l’a nommé au sein de l’Ordre du Canada.