Une dernière chance | Paul Émile d’Entremont suit cinq demandeurs d’asile gais
À l’occasion de notre programmation spéciale en vue de la Journée des droits de l’Homme, nous lançons vendredi le documentaire Une dernière chance (2012) de Paul Émile d’Entremont en grande première sur ONF.ca.
Vous pourrez visionner le film GRATUITEMENT le vendredi 7, le samedi 8 et le dimanche 9 décembre prochains.
Une dernière chance (Bande-annonce), Paul Émile d’Entremont, offert par l’Office national du film du Canada
Victimes d’homophobie cherchent refuge au Canada
Documentaire-choc qui nous ouvre les yeux sur une réalité encore peu racontée, Une dernière chance retrace le parcours de cinq demandeurs d’asile qui ont fui leur pays d’origine pour échapper à la violence homophobe. Se heurtant aux difficultés de l’intégration et craignant d’être déportés, ils attendent dans l’angoisse la décision qui bouleversera leur vie. Mais tous veulent croire à la générosité de leur terre d’accueil : le Canada.
Paul Émile d’Entremont a eu l’idée de réaliser ce film lorsqu’il a tourné son film précédant en 2006 :
Au départ, j’avais en tête de faire un documentaire sur les Arabes gais, admet le réalisateur. Pour Reema, allers-retours, j’avais séjourné deux fois en Jordanie. Mon caméraman avait demandé à notre chauffeur s’il y avait des gais dans le pays, et celui-ci avait répondu que non, tout en ajoutant : « Il y en avait une gang, mais ils ont tous été déportés en Syrie. Heureusement! » Cette histoire a été l’élément déclencheur.*
Le cinéaste a ensuite assisté à quelques réunions de l’association Helem à Montréal, qui défend la communauté LGBT libanaise, et décidé d’explorer la question des droits des minorités sexuelles. « Il faut savoir que dans la langue arabe, il n’y a pas de mot qui ne soit pas péjoratif pour désigner l’homosexualité, explique-t-il. Les homosexuels sont désignés comme des «pervers» ». Pour pallier à cette réalité, la section Helem-Beyrouth a inventé un mot neutre pour changer la perception et les mentalités. « Ils font vraiment un travail de pionniers là-bas, sur place », nous dit d’Entremont. Malgré tout, beaucoup de travail reste à faire.
En partant du contexte canadien, Paul Émile d’Entremont s’est ensuite penché sur la situation des demandeurs d’asile victimes de violence homophobe et de discrimination sexuelle de différentes nationalités. C’est ainsi qu’il a fait la rencontre de Trudi, Carlos, Jennifer, Zaki et Alvaro, qui ont trouvé refuge au Canada en raison de leur orientation sexuelle.
Les protagonistes
Originaire de la Jamaïque, Trudi est lesbienne. Elle a été agressée à maintes reprises dans son pays, où le viol se pratique pour « corriger » ce qui est considéré comme une déviance. Aidée par une amie canadienne, elle a laissé sa famille et sa copine derrière pour entreprendre une nouvelle vie à Toronto, en Ontario.
Pour sa part, Carlos est Colombien. Père d’un fils, il vivait en secret son homosexualité dans une région du monde où celle-ci connaît encore une forte réprobation social malgré les lois protectrices de l’État. Après un détour par les États-Unis, il est entré au Québec, où il a demandé l’asile politique avant de s’installer à Montréal.
Tout comme Jennifer, une Libanaise transsexuelle qui a dû braver le rejet familial et le regard hostile de sa société pour pouvoir vivre en femme aux yeux de tous, quitte à s’exiler. Dans le film, sa mère tient des propos très durs à son sujet. « Elle s’est confié (à l’équipe de tournage) en toute candeur et même si ses propos sont violents, ils risquent de bien passer au Liban, car la transsexualité est mal vue et l’honneur de la famille dans ces sociétés traditionnelles est plus important que l’individu », admet le cinéaste. « Cela dit, les parents (de Jennifer) ne l’ont jamais expulsée de la maison », poursuit-il.
De son côté, Zaki est un jeune Égyptien, emprisonné et torturé dans son pays pour délit d’homosexualité. Marqué à jamais par ce terrible cauchemar, il tente de reprendre pied et de refaire sa vie à Montréal, loin des siens. Il est un ami personnel d’Entremont. Le cinéaste l’a rencontré à son arrivée au Canada en 2006 par l’intermédiaire d’Helem-Montréal.
Quant à Alvaro, il a quitté adolescent le Nicaragua pour se retrouver au Canada après avoir vécu illégalement aux Mexique et aux États-Unis. Malgré son intégration à la vie torontoise, il est aujourd’hui à la croisée des chemins. Interné dans un centre de détention des services de l’immigration, il redoute un retour forcé en Amérique centrale.
Sensible aux agressions et aux discriminations que ces hommes et ces femmes ont vécues au sein de sociétés traditionnelles, souvent religieuses ou soumises à des codes d’honneur de la famille, Une dernière chance donne la parole aux minorités sexuelles qui refusent de nier leur identité profonde.
Sorti lui-même « du placard » il y a plusieurs années, Paul Émile d’Entremont est partie de sa propre expérience personnelle pour réaliser ce documentaire.
Bien sûr, je n’ai pas vécu des choses terribles comme les protagonistes de mon film, mais grandir comme homosexuel dans un petit village de pêche (le cinéaste est d’origine acadienne) n’a pas été facile non plus. Je n’ai pas connu la violence ou la persécution, mais l’intimidation, oui. À travers mes films, je me rends compte qu’en tant que gai, on est toujours en train de sortir du placard.
En plus de leurs difficultés personnelles, les réfugiés sexuels doivent souvent composer avec des démarches complexes et une machine administrative froide qui encadre la procédure d’immigration. C’est aussi pourquoi le film a pris plusieurs années à réaliser :
Le film s’est étalé entre 2006 et 2011. Il a nécessité trois ans de recherche et trois ans de tournage à cause des complications. Il y avait toujours la question de l’obtention des visas de sortie qui hypothéquait le tournage. (…) Notre système d’accueil des réfugiés à des failles, mais il reste quand même un modèle, admet le cinéaste. Il y a bien sûr des gens au sein de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié qui ont leurs propres préjugés. Les demandeurs d’asile doivent être bien représentés en cour pour faire valoir leurs droits.
Lorsqu’on lui demande à qui s’adresse le film, Paul Émile d’Entremont répond avec une phrase emprunté à un célèbre cinéaste canadien :
Sans me comparer à Denys Arcand, je me souviens qu’un jour, on lui a demandé quel genre de films il faisait et il a répondu : « Je fais des films que j’aimerais moi-même voir. » C’est aussi mon cas. (…) Je vise bien sûr la communauté LGBT en premier lieu, car c’est un sujet qui la concerne directement. Mais c’est un film qui s’adresse à tout le monde, et surtout aux gens qui ont vécu l’exclusion sous une forme ou une autre.
Une dernière chance sera offert pour le visionnage gratuit les 7, 8 et 9 décembre prochains sur ONF.ca. Il sera ensuite offert en téléchargement payant et en location.
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*Propos recueillis par Marie-Claude Lamoureux et Gérard Grugeau
Photos : Paul Émile d’Entremont, Charles Gagnon. Tous droits réservés.
Photo d’en-tête : Le cinéaste Paul Émile d’Entremont photographié par Glenn Walton. ONF. Tous droits réservés.
À lire :
La Presse : Une dernière chance : le combat des demandeurs d’asile gais
L’Express (Toronto) : Une dernière chance, gratuit sur internet
Bonjour ,
J’aimerais contacter le réalisateur du film Une Dernière Chance , M.Paul-Émile d’Entremont.
Auriez-vous par hasard ses coordonnées ?
Merci à l’avance.
Pour faire suite à ce magnifique documentaire, regardez une entrevue des Francs-tireurs du 5 décembre : 3 immigrants homosexuels installés au Québec (Mexique, Cameroun, Liban) parle de leur expérience dans leur pays d’origine.
http://video.telequebec.tv/video/13414/emission-381