Laurent Coderre, un artiste d’exception (1931-2011)

C’est avec tristesse que nous apprenions hier la mort de Laurent Coderre, un artiste exceptionnel aux talents multiples. Il fut musicien, peintre, dessinateur et cinéaste d’animation. Reconnu à travers le monde, il était l’ami de Jean Dallaire, de A. Y. Jackson et de Frederick Varley du célèbre Groupe des Sept, de Picasso aussi, et le protégé de Norman McLaren pendant ses années à l’ONF. Ses films ont été récompensés à Cannes et à Venise. Il a donné des conférences sur le cinéma d’animation à Montréal, Toronto, Chicago, Cannes et Paris. Trompettiste de jazz et compositeur hors pair, il fréquente dans sa jeunesse les boîtes de jazz de Toronto et refuse même, dit-on, une carrière à New York. L’homme reste pourtant méconnu du public, mais il le voulait ainsi. De nature discrète, il ne cherchait pas la publicité.

Dans les dernières années de sa vie, il avait l’habitude de fréquenter le Marché de l’Ouest à Montréal; fusains, crayons et tablette de papier en main afin de dessiner. Attablé au Café de Luxe devant un café bien chaud, qui ne faisait pas qu’office de boisson réconfortante, mais également de matériau à dessiner – et oui, il ajoutait du café, du lait et du vin à ses dessins afin de leur donner de la texture – il dessinait sur le vif les passants et les situations, réelles ou imaginaires, qui se présentaient à lui. Il attirait le regard des clients, fascinés par la beauté de ses dessins. Le propriétaire du café lui a proposé un jour d’afficher ses dessins sur le mur de son établissement, transformant ainsi un petit coin du Marché en véritable musée.

Laurent Coderre est né à Ottawa en 1931. Il a fréquenté l’Université d’Ottawa, le Ontario College of Arts et l’École des beaux-arts. Il possède également une formation de musicien. Il entre à l’ONF en 1960, où il travaille à la production de films éducatifs. Il réalise son premier film personnel, Métamorphoses, en 1968. Le film obtient la médaille d’argent au Festival de Venise. L’année suivante, il met en images la chanson de Jean-Pierre Ferland, Les fleurs de Macadam, dans le cadre de la série Chansons contemporaines. Sorte de vidéoclip avant la lettre, les dessins simples, expressifs et d’une grande beauté, tout à fait dans le style de Coderre, s’enchaînent à un rythme effréné. En 1971, à l’aide de milliers de fragments de linoléum, il réalise Zikkaron. Magnifique allégorie sur la condition humaine, le film reçoit le Grand Prix de la Commission supérieure du cinéma français au Festival de Cannes. Laurent Coderre, qu’on avait appelé en catastrophe (il ne savait pas que son film avait été soumis à la compétition), reçoit son prix des mains de l’actrice italienne Gina Lollobrigida. De 1972 à 1977, il dirige plusieurs ateliers de cinéma d’animation, donne des conférences partout dans le monde et collabore à de nombreux films d’animation. En 1978, il revient à la réalisation. Ses deux derniers films, Rencontre (1978) et Déclin (1980), un film de facture un peu plus sombre qui utilise la technique de la pixilation, explorent le thème de la condition humaine déjà abordé dans Zikkaron (1971). Laurent Coderre compose également la musique de plusieurs films, dont Blake (1969) de Bill Mason. En 1984, il prend sa retraite de l’ONF afin de se consacrer entièrement au dessin et à la peinture.

Pour ceux et celles qui veulent en savoir plus sur cet artiste d’exception, l’écrivain Claude Sauvage a publié l’an dernier une biographie, intitulée Laurent Coderre, artiste peintre – dessinateur, magnifiquement illustrée à l’aide des œuvres de l’artiste. Vous pouvez aussi voir ses films sur ONF.ca.