Vendredi cinéma : On est au coton

Comme c’est mon tout premier vendredi cinéma, je me permets de vous recommander un film exceptionnel : On est au coton – version originale – du réalisateur oscarisé Denys Arcand. C’est un film qui est particulièrement cher à mes yeux, car j’ai contribué (parmi d’autres) à ressortir sa version originale de sa cachette au moment de la création du coffret DVD sur l’œuvre documentaire de Denys Arcand. C’est un moment magique dans ma carrière onfienne.

Il y a quelques années, mon collègue Roger Otis, aujourd’hui retraité, avait eu l’idée de produire un coffret qui rassemblerait l’ensemble de l’œuvre documentaire de Denys Arcand. À ce moment-là, nous étions dans l’ère d’aller de la campagne aux Oscars des Invasions Barbares et il était évident à nos yeux que c’était l’occasion idéale pour distribuer la version originale de l’œuvre, qui avait été amputée par le cinéaste à la demande du patron de l’usine : M. King. Ce dernier n’aimait pas le portrait présenté de lui dans le film. Précisons que l’ONF n’a jamais censuré ce film, c’est Arcand lui-même qui a coupé ce personnage au montage, car il s’était engagé à lui donner un veto au moment du tournage. Le cinéaste n’a donc pas eu d’autres choix que de respecter sa parole. Cependant, l’ONF a longuement retardé la distribution du film, notamment à cause des sensibilités politiques provoquées par la crise d’Octobre à l’époque.

Tout le monde connaissait la rumeur qui voulait qu’une version plus longue de ce film circulait clandestinement ici et là, dans les cégeps et les universités. Otis et moi avons donc entrepris de retrouver une copie de cette version originale. J’ai personnellement ratissé les bobines de tournage et autres éléments d’archives, mais en vain. Puis, un matin, une copie est apparue au bureau de la sécurité de l’ONF. On ne m’a jamais dit qui était venu la porter et je n’ai jamais vraiment essayé de le découvrir non plus. On avait enfin la copie originale en main.

On devait maintenant aller chercher la permission de la succession de M. King. C’est André Picard, alors directeur général du Programme français, qui entreprit de rejoindre le fils de King et de lui présenter le film, pour finalement obtenir son accord.

L’œuvre originale se distingue de la version écourtée par une séquence de montage alterné entre un jeune francophone et la montée professionnelle de M. King, devenu patron de l’usine. Avec le recul des années, on constate le fossé qui séparait les francophones et les anglophones à l’époque et nous sommes à même de constater l’impact du Québec Inc., de la célèbre phrase « Maîtres chez nous » de Jean Lesage et finalement, de la transformation de la société québécoise avec l’élection du Parti Québécois en 1976.

Bon cinéma!

Joel Pomerleau
Directeur – Développement des plateformes

On est au coton, Denys Arcand, offert par l’Office national du film du Canada

P.S. : Je vous invite à vous procurer ce coffret des documentaires de Denys Arcand. Vous y (re)découvrirez des œuvres colossales, comme Le confort et l’indifférence. On y trouve les bases thématiques et intellectuelles qui définiront son œuvre de fiction par la suite. Chaque film est précédé d’une entrevue avec Denys Arcand, qui présente le film et son contexte de production. Le coffret est également accompagné d’un livret rédigé par Réal La Rochelle, le biographe de Denys Arcand.