L’œuvre de Pierre Perrault sur DVD / Deuxième partie de l’entretien avec Carol Faucher
Carol Faucher est analyste à la conservation et responsable de La collection Mémoire de l’ONF. Je l’ai rencontré au moment où l’ONF lançait les quatre nouveaux coffrets L’œuvre de Pierre Perrault, en septembre dernier. Ces coffrets sont assortis de suppléments inédits et de livrets illustrés ― entièrement sous-titrés en anglais pour la première fois, remastérisés en haute définition et encodés pour malentendants.
Parlez-nous de la quête d’identité collective dans l’œuvre de Perrault
La question est vaste…trop vaste pour l’espace qui nous est donné ici. Allons-y de quelques repères que les blogueurs intéressés pourraient commenter.
Un des cinq coffrets de la nouvelle édition DVD de l’œuvre de Pierre Perrault s’intitule La quête d’identité collective. Ce thème n’est pas exclusif à ce coffret. La quête identitaire est au cœur de toute l’œuvre de Perrault. Toute son œuvre est une quête d’identité. Elle est collective dans le sens où Perrault s’est donné comme mandat de nommer le pays. Et le pays, pour lui, se définit par ceux qui l’habitent… et leur identité, par leur histoire, par la langue, par les rapports qu’ils entretiennent avec leur environnement d’où émerge une culture qui leur est propre. Le « je » de Perrault qui cherche à définir sa propre identité en parcourant le pays qu’il veut découvrir et nommer, devient ipso facto une quête du « nous ».
On pourrait même dire que Pierre Perrault n’a fait qu’un seul film dans sa vie. Un seul grand film en 18 parties, chacun des 18 films qu’il a réalisés étant un volet, un chapitre, une séquence de ce grand film. La question identitaire est sous-jacente dans tous ses films.
Les quatre films du deuxième coffret de notre édition DVD, intitulé La quête d’identité collective, posent directement la question identitaire.
Qu’est-ce qu’un pays?
La question est posée dans Un pays sans bon sens à des Canadiens, des Québécois, des Acadiens, des Bretons, des Autochtones. Soit dit en passant, alors que tous les films de Perrault sont en quelque sorte des films d’action, ce film extraordinaire monté par Yves Leduc, est le seul film de Perrault qui soit construit sur une idée, sur une notion, celle de pays. Qu’est-ce qu’un pays? Comment identifier le pays? Comment s’identifier à un pays? A quoi tient le sentiment d’appartenance à un pays?
Un pays sans bon sans
C’est ce même questionnement qui au centre du film L’Acadie l’Acadie ?!?, tourné en 1968, sorti en 1971. Ici les étudiants de la jeune université francophone de Moncton qui vont faire la grève et occuper les locaux de l’Université pour obtenir le gel des frais de scolarité réclament aussi le bilinguisme dans les services municipaux de Moncton, dans une province, le Nouveau-Brunswick, où 40% de la population, à l’époque, était francophone. Cette action étudiante et le film ont en quelque sorte, sonné à l’époque le réveil acadien. Qu’est-ce que l’Acadie? Qu’est-ce qu’un Acadien?
Avec ses deux derniers films L’Oumigmag ou l’objectif documentaire et Cornouailles, Perrault pose aussi la question du pays, mais cette fois de façon complètement métaphorique. Nous voici non plus en compagnie de personnes, mais du bœuf musqué qui, depuis la nuit des temps, vit en troupeau près du glacier, dans un environnement complètement hostile, qui réussit à survivre et à se reproduire et qui devient métaphore de l’enracinement et de la résistance des peuples. Avec le combat de deux mâles pour la possession du troupeau, en finale du film, Perrault pose la question de la constitution d’un pays.
La question identitaire est également très présente dans les films tournés chez les autochtones, Le pays de la terre sans arbre ou le Mouchouânipi et Le goût de la farine que l’on retrouvera dans le coffret L’homme et la nature. Ces films rappellent comment toute la vie des Innus, leur culture, leur imaginaire, leur spiritualité sont liés à la nature et font ressortir les effets néfastes sur la collectivité quand ces liens identitaires sont brisés.
Qui sommes-nous? D’où venons-nous? Où allons-nous? Ces questions, toujours actuelles, sont sous-jacentes dans tous les films de Perrault, tant dans ceux du Cycle abitibien que dans ceux de La trilogie de l’île-aux-Coudres…
Et ce qui est fantastique chez Pierre Perrault, c’est qu’en poursuivant cette quête, il a cartographié notre mémoire collective, élément essentiel de notre identité collective.
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Lisez la première partie de l’entretien. L’élément déclencheur à l’origine de l’œuvre de Perrault, ainsi que le fleuve comme thème récurrent de son travail, sont au cœur
du propos.
Volume 2 : La quête d’identité collective / Date de sortie : 29 septembre
Volume 3 : Le cycle abitibien / Date de sortie : 20 octobre
Volume 4 : L’homme et la nature / Date de sortie : 10 novembre
Volume 5 : Le fleuve / Date de sortie : 1er décembre
J’ai offert le coffret de la trilogie de l’Île-aux-Coudres en cadeau de Noel à mon fils de 21 ans.J’ai redécouvert l’oeuvre de P.Perrault. Depuis lors, mes trois autres fils, mon épouse et moi-même ne cessons de le visionner en s’exclammant;quelle beauté! L’été prochain nous rendrons visite,comme un pèlerinage,à ces hommes et femmes malheureusement disparus,mais bien vivants dans notre coeur et notre mémoire.Je veux revoir cette île et les lieux où ils ont vécu.Spirituellement nous sommes profondément reconnaissant à Pierre Perrault pour ce chef-d’oeuvre et bien d’autres également. Merci L’ONF d’avoir rendu accessible toutes ces réalisations.Bravo!
Benoît Pouliot de l’ÎLe d’Orléans