Écologie du temps
Collaboration spéciale de Hugues Sweeney.
J’ai glané cet article sur le site du NY Times au sujet de la durée des clips vidéo sur le Web:
http://www.nytimes.com/2009/07/06/business/media/06video.html
Ce qui retient mon attention, c’est qu’il s’agit d’un très lent mouvement de fond. La moyenne des secondes-média consommées augmentent au compte-goutte. Or, la durée est une valeur fondamentale dans la mesure où l’ONF est un espace de réflexion, où on prend le temps d’aborder le réel par une multitude d’angles. La durée d’une œuvre est aussi le temps qu’on passe, à la suite d’un visionnage ou à une navigation, où l’on continue à réfléchir à tel ou tel personnage, à une phrase qui nous a frappés, à un sens qu’on n’avait pas perçu sur le coup.
Nous sommes aujourd’hui sollicités comme jamais et les médias se synchronisent maintenant avec notre vie privée — ce qui génère aussi une forme d’asphyxie. À la suite à l’écologie du matériel, y aura-t-il une écologie du temps? L’être humain est un animal à la recherche de sens et, entraîné par notre ère de l’hyper-branchement, il va apprendre à se débrancher. Se débrancher veut aussi dire que, lorsqu’on se connecte, on se recharge. Devant un monde en constante fragmentation, on fera de plus en plus appel à des contenus signifiants.
Comme on dit en anglais,« what goes around, comes around ». La durée des formats est de plus en plus réduite, la courte forme étant une pure monnaie d’échange sur le Web. Le cellulaire impose lui aussi sa façon miniature de s’exprimer. Mais pour combien de temps? L’ONF dans l’univers numérique et interactif ne s’en tient pas qu’aux tendances du moment.
Le courte forme demeure, bien entendu, éternelle. La nouvelle ne se soustrait pas au roman parce qu’elle est moins longue. L’œuvre d’animation, elle, exige de son spectateur d’être là, entier. Et actuellement, il est absolument pertinent de produire des vidéoclips de deux ou trois minutes exclusivement pour le Web, car le contexte est tel. Mais se peut-il que, dans un avenir pas si lointain, les Pierre Perreault de l’interactif produisent des œuvres de 30 ou 45 minutes — voire une, deux ou 3 heures?
Hugues Sweeney, concepteur multimédia