La célébration des petits bonheurs de la vie dans les films de Torill Kove
Torill Kove est une réalisatrice maintes fois récompensée dont les films ont marqué le monde du cinéma d’animation. Par l’entremise de son travail à l’Office national du film du Canada, elle a transformé les personnages de son enfance norvégienne en protagonistes universels, tout en explorant des sujets profonds et sentis qui touchent des publics de tous âges. Le présent billet de la Perspective du conservateur est consacré à l’influence de la cinéaste en animation et à sa constante célébration des petits bonheurs de la vie, de la famille et de la recherche d’appartenance.
Mais d’abord, l’ONF vous invite à visionner le film phare de Torill Kove, Le poète danois (2006), qui a remporté 20 prix dans les plus grands festivals de films et marchés du monde entier, sans oublier l’Oscar du meilleur court métrage d’animation en 2007. « Pouvons-nous retracer la chaîne d’événements qui a conduit à notre propre naissance ? Notre existence n’est-elle qu’une coïncidence ? Les petites choses ont-elles de l’importance ? » La narratrice du Poète danois se pose ces questions en suivant Kasper, protagoniste du film et poète à court d’inspiration, en vacances en Norvège pour rencontrer une écrivaine célèbre.
Le poète danois, Torill Kove, offert par l’Office national du film du Canada
Une Norvégienne à Montréal, diplômée de l’École de cinéma Mel-Hoppenheim
Torill Kove naît à Hamar, en Norvège. Alors qu’elle n’est encore qu’une adolescente, ses parents l’emmènent vivre en Afrique, où ils sont travailleurs humanitaires[i]. Elle s’installe à Montréal en 1982 et obtient un diplôme en animation de l’Université Concordia 10 ans plus tard, remportant le prix Kodak avec son film de fin d’année[ii]. Avant de réaliser ses cinq courts métrages d’animation acclamés, elle fait ses premières armes à l’ONF comme animatrice pour la série Multiple Choices (1995) d’Alison Burns, où son style caractéristique est facilement reconnaissable dans les capsules animées qui ouvrent chacun des 10 épisodes.
Multiple Choices – Loves Me Loves Me Not, Alison Burns, provided by the National Film Board of Canada
La percée internationale : de 1999 à 2006
À peine quatre ans plus tard, le parcours de Torill Kove en tant que réalisatrice à l’ONF s’amorce avec son film Ma grand-mère repassait les chemises du roi (1999), qui lui vaut nombre d’éloges et de prix partout au monde, dont une première nomination aux Oscars. Dans ce court métrage, elle établit son style de narration unique, empreint d’un sens de l’humour qui fait vibrer les cordes émotionnelles du public et confère un charme particulier au quotidien de personnages singuliers issus de sa propre enfance. En plus de faire connaître l’humble métier de sa grand-mère, la cinéaste trouve de la joie et de la beauté dans les tâches que celle-ci accomplissait chaque jour, transmettant un message universel sur le bonheur durable et le sentiment d’appartenance que procurent parfois les petits moments de la vie.
Ma grand-mère repassait les chemises du roi, Torill Kove, offert par l’Office national du film du Canada
À la suite de Ma grand-mère repassait les chemises du roi paraît en 2006 le film oscarisé de Torill Kove, Le poète danois (présenté plus haut), qui se penche aussi sur la façon dont les tournants inattendus de la vie peuvent nous conduire à tisser des liens significatifs et à éprouver un sentiment de joie et de plénitude inattendu.
Les années 2010 : dynamique familiale et amour parental
Vient ensuite Ma Moulton et moi (2014), dans lequel Torill Kove relate ses propres expériences d’enfance au sein de sa famille. Un été, dans la Norvège du milieu des années soixante, une fillette de sept ans demande à ses parents si elle et ses sœurs peuvent avoir une bicyclette. Ma Moulton et moi donne un aperçu des pensées de sa jeune protagoniste, qui ne peut s’empêcher de croire que sa famille est légèrement en décalage avec ce qu’elle perçoit comme « normal ». En observant la famille de sa meilleure amie, la petite fille compare leur perfection domestique à son foyer non conventionnel. Ses parents, à la fois aimants et déconnectés, sont pour elle une source d’embarras et d’anxiété. Ce film explore le défi que représente le fait de vouloir s’intégrer tout se heurtant au caractère singulier de ses origines et de sa dynamique familiale.
Ma Moulton et moi, Torill Kove, offert par l’Office national du film du Canada
En 2017, Torill Kove réalise Rubans, dans lequel elle examine la beauté et la complexité de l’amour parental. Son style d’animation délicat donne vie aux fils vibrants qui symbolisent les liens entre les membres d’une famille, illustrant comment l’amour peut être à la fois fragile et résistant. L’acte de coudre devient une métaphore puissante de la façon dont nous tissons nos vies ensemble, créant une tapisserie d’expériences et de souvenirs partagés. Tandis que la mère et la fille fabriquent ensemble une courtepointe, elles s’engagent dans des conversations sincères qui reflètent leurs difficultés et leurs joies. Le film saisit la nature douce-amère du passage à l’âge adulte et des changements inévitables qui l’accompagnent, tout en mettant l’accent sur les liens pérennes qui nous unissent.
Rubans, Torill Kove, offert par l’Office national du film du Canada
Le cinéma inspirant qui célèbre les petites choses
Le style de narration magistral de Torill Kove suscite naturellement des émotions, et ses films comportent souvent une esthétique minimaliste qui permet au public de se concentrer sur l’essence de l’histoire plutôt que de se laisser distraire par des visuels trop complexes. Peut-être des éléphants (2024), son chef-d’œuvre le plus récent, pose un regard nostalgique sur ses souvenirs de voyages en famille, d’escapades et de révélations d’adolescence.
Peut-être des éléphants, Torill Kove, offert par l’Office national du film du Canada
Comme nous l’avons vu, les créations de Torill Kove se penchent sur les moments de la vie quotidienne et captent l’attention de l’auditoire tout en l’invitant à pénétrer dans l’univers émotionnel des protagonistes. La profondeur de son œuvre trouve un écho auprès de divers publics, car ses films expriment des sentiments qui restent souvent tus. Cette résonance est particulièrement importante dans un monde où l’art du récit ne sert pas seulement à divertir, mais aussi à se lier aux autres et à les comprendre. Les films de la cinéaste témoignent de la capacité de l’animation à transmettre des émotions et des expériences complexes de manière accessible. Ils nous aident à considérer positivement les défis de la vie, car ils engendrent en fin de compte la joie, un sentiment de bien-être et de développement personnel. Les cinq films de Torill Kove sont d’incomparables capsules de bonheur !