L’enseignement des traités grâce aux films de l’ONF
L’enseignement des traités grâce aux films de l’ONF : « Aussi longtemps que le soleil brillera, que l’herbe poussera et que l’eau coulera »
Les amitiés et les relations durables ne sont pas le fruit du hasard, mais le résultat d’une compréhension qui se construit au fil du temps, d’une négociation des limites et d’un accord. Les traités en sont de bons exemples. Nous qui vivons sur cette terre sommes toutes et tous liés aux différents traités et relations dont elle fait l’objet. Nous sommes tous des peuples signataires de traités et nous devrions prendre le temps de réfléchir à notre rapport aux traités et aux responsabilités qui nous incombent à cet égard.
L’histoire des traités
L’établissement et la conclusion de traités ont toujours fait partie intégrante de la culture autochtone. Les traités étaient principalement des accords verbaux conclus entre des nations souveraines portant sur le commerce, le droit de passage sur des terres ancestrales et la paix, ainsi que sur les relations familiales et de parenté. Ils étaient ratifiés dans le cadre de cérémonies, de festins et de protocoles, renouvelés chaque année et considérés comme des pactes sacrés.
Approuvé par les chefs, les notables et les personnes aînées, le processus d’élaboration des traités était une entreprise communautaire à laquelle participaient les femmes, les membres de la famille élargie et les chefs spirituels. Les traités étaient considérés comme des accords tripartites entre les deux parties au traité et le Créateur.
Les Premières Nations de l’est du Canada consignaient les modalités d’un traité sur une ceinture wampum. Dans l’ouest du Canada, les personnes aînées et les gardiennes et gardiens des savoirs avaient pour tâche vénérable de se souvenir de ces modalités. Les Premières Nations ont parfois consigné les traités sur papier. Ce fut le cas notamment pour le traité Peguis-Selkirk (1817), le document Paypom (1873) et le pictogramme des négociations du Traité no 4 (1874) illustré par le chef Paskwa.
Les traités établis avec les nouveaux arrivants européens
L’arrivée des Européens dans ce qui est aujourd’hui le Canada a donné lieu à la négociation de nouveaux traités. Dès 1701, les colonies britanniques d’Amérique du Nord( qui comprenaient à l’époque des parties du Canada et des États-Unis d’aujourd’hui) et la Couronne britannique ont signé des traités avec les n. Ces accords portaient essentiellement sur la paix, les relations économiques et les alliances militaires.
Plusieurs traités ont été conclus entre la Couronne britannique et les Premières Nations avant l’avènement de la Confédération. Il s’agit notamment des traités de paix et de neutralité (1701-1760), des traités de paix et d’amitié (1725-1779), des cessions de terre du Haut-Canada et des traités Williams (1764-1862/1923), ainsi que des traités Robinson et des traités Douglas (1850-1854).
Perspectives autochtones
Du point de vue des Autochtones, la conclusion de traités avec la Couronne permet d’officialiser et de sacraliser les relations avec les nouveaux arrivants européens, de fixer des balises pour le partage et le respect de la terre et des eaux, et de concrétiser la capacité et la prévoyance des Premières Nations en matière de survie culturelle et économique.
À bien des égards, le commerce des fourrures devient une relation spéciale encadrée par un traité. Les commerçants, les trappeurs, les « hommes de la baie » (Baymen), les voyageurs et les autres marchands de fourrures entretiennent avec les Premières Nations des relations fondées sur la réciprocité et les échanges de bons procédés. La Compagnie de la Baie d’Hudson et son personnel tirent de nombreux avantages économiques des divers traités conclus après la Confédération dans les forts de la Compagnie ou à proximité.
Contexte historique de la conclusion de traités
Ces traités ont pour toile de fond la guerre de Sept Ans (1757-1763), qui oppose les Français et les Britanniques en Amérique du Nord, la Révolution américaine (1775-1783), la guerre de 1812 (1812-1815) et la guerre de Sécession (1861-1865). À l’échelle du continent, ces conflits se déroulent sur des territoires autochtones ancestraux, imposent des frontières coloniales et des restrictions sur les terres et altèrent les relations entre les peuples autochtones ainsi qu’entre les Premières Nations et la Couronne, que celle-ci soit représentée par les autorités coloniales britanniques ou par le gouvernement du Canada.
Les Premières Nations sont les alliées des gouvernements français, britannique et canadien à différentes époques et à divers titres.
Après la guerre de Sept Ans, les Britanniques adoptent la Proclamation royale (1763). Un tiers du texte de la proclamation est consacré aux peuples autochtones, et le processus de conclusion des traités y est notamment officialisé. En l’absence d’un traité, les nouveaux arrivants et les colons ne peuvent désormais plus avoir accès aux terres autochtones. Une grande partie du territoire situé à l’ouest des Appalaches est « réservée » aux « Indiens ».
En 1794, la Grande-Bretagne et les États-Unis signent le traité Jay (ou traité de Londres) pour apaiser les tensions qui subsistent après la Révolution américaine. Le traité indique que les peuples autochtones établis de part et d’autre de la ligne de démarcation [auront le droit] de circuler librement de part et d’autre de la frontière, tant par la voie terrestre que par navigation insulaire, et de naviguer librement sur tous les lacs, fleuves et eaux traversés par la frontière, afin de faire du commerce les uns avec les autres. Le Canada et les États-Unis appliquent le traité Jay à des degrés divers, ou ne l’appliquent pas du tout.
Pendant la guerre de 1812, la Nation dakota prête allégeance à la Grande-Bretagne en échange de serments d’obligation perpétuelle. Après la guerre, les Britanniques décernent des « médailles du roi George III » aux guerriers autochtones en guise de remerciement et de reconnaissance pour leur soutien à la Couronne pendant la guerre contre les Américains.
Après les guerres indiennes aux États-Unis et la bataille de Little Big Horn en 1876, de nombreux Dakotas fuient les États-Unis pour se réfugier sur leur territoire septentrional, dans le sud du Manitoba et de la Saskatchewan. La Couronne ne tient pas sa promesse d’« obligation perpétuelle ». Les Dakotas n’ont pas conclu de traité avec le Canada.
Les traités numérotés
Dans l’ouest et le nord du Canada, la conclusion de traités se poursuit après la Confédération de 1867, permettant à la Couronne de s’approprier de vastes territoires occupés par les Premières Nations en échange de terres de réserve et d’autres droits. Les traités numérotés, qui consistent en 11 traités couvrant l’ouest et le nord du Canada, sont négociés entre 1871 et 1921.
En 1871, le gouvernement du Canada achète la Terre de Rupert à la Compagnie de la Baie d’Hudson, met fin à la et ajoute le Manitoba comme cinquième province. Il convainc la Colombie-Britannique d’adhérer à la Confédération en lui promettant un chemin de fer transcontinental et commence à annoncer des « terres gratuites » pour les immigrants européens, faisant ainsi obstacle à la « destinée manifeste » des États-Unis (concept selon lequel les États-Unis ont pour mission de répandre leur modèle sur l’ensemble du continent), qui aurait permis l’annexion de l’ouest du Canada.
Les Premières Nations de l’époque considèrent les traités numérotés comme une voie d’entrée équitable dans la nouvelle Confédération : ils visent à assurer la transition vers de nouvelles économies et à protéger la culture, la langue et les traditions. Ils ont pour but d’établir le partage du territoire avec les nouveaux arrivants et de définir les droits et les obligations des deux parties signataires.
Les traités numérotés sont consignés comme des documents juridiques écrits qui reflètent la compréhension du gouvernement. Il est toutefois important de noter que des notions telles que « céder », « renoncer à » ou « abandonner » ne font pas partie de la vision du monde des Autochtones. Les perspectives des Premières Nations sur l’esprit et l’intention des traités sont révélées par leurs récits oraux, leurs relations avec la Création et leurs langues.
Ruse ou traité?, Alanis Obomsawin, offert par l’Office national du film du Canada
Les traités modernes
Les traités ne datent pas tous d’une époque lointaine. La Convention de la Baie James et du Nord québécois de 1975, le traité du Nunavut de 1993 et le règlement des revendications territoriales des Nisga’a de la Colombie-Britannique de 1998 sont autant d’exemples de traités modernes.
Les traités modernes sont conclus dans des régions du Canada où les droits fonciers des populations autochtones n’ont pas déjà été définis par un traité. Ils sont négociés entre le Canada, les nations autochtones et la province ou le territoire où elles sont établies.
Tout comme les traités historiques, les traités modernes définissent les droits et obligations des signataires, comprennent des dispositions et font partie du corpus législatif canadien.
Vous êtes en terre indienne, Michael Kanentakeron Mitchell, offert par l’Office national du film du Canada
Les relations découlant des traités aujourd’hui
La Couronne et le gouvernement du Canada n’ont pas toujours été des signataires de traités exemplaires. Ils ont négligé, ignoré et rompu les promesses faites dans le cadre des traités. Des accords bilatéraux (ou trilatéraux, si l’on inclut le Créateur) ont été ignorés, bafoués et annulés par la Loi sur les Indiens, rédigée unilatéralement.
Loin d’être des vestiges du passé du Canada, les traités demeurent partie intégrante de notre société d’aujourd’hui. Ils contribuent à définir la relation entre les Premières Nations et la Couronne, ainsi qu’entre les Premières Nations et les autres Canadiennes et Canadiens, et servent de fil conducteur aux mouvements actuels de réconciliation. Les relations fondées sur les traités sont éternelles : elles dureront « aussi longtemps que le soleil brillera, que l’herbe poussera et que l’eau coulera».
Ressource
Pour en savoir plus à propos de la Loi sur les Indiens
Établie à The Pas, au Manitoba, Connie Wyatt Anderson a enseigné pendant 22 ans l’histoire et la géographie au cycle secondaire dans la Nation crie d’Opaskwayak, tout près de chez elle. En 2014, elle a quitté l’enseignement pour se consacrer à la rédaction de ressources pédagogiques. Elle a participé à l’élaboration de documents pédagogiques et de programmes d’enseignement à l’échelle provinciale, nationale et internationale, ainsi qu’à la rédaction de nombreux manuels, guides destinés au personnel enseignant et ouvrages scolaires. Elle est notamment coauteure du manuel d’histoire du Canada de 11e année actuellement utilisé dans les écoles du Manitoba. Mme Wyatt Anderson a en outre coécrit et conçu le programme Éducation sur les traités du Manitoba et continue de former du personnel enseignant et des chefs d’établissements scolaires en tant que responsables de l’enseignement des traités.
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