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Hubert Aquin, homme imprévisible, homme invisible | Perspective du conservateur

Hubert Aquin, homme imprévisible, homme invisible | Perspective du conservateur

Hubert Aquin, homme imprévisible, homme invisible | Perspective du conservateur

Hubert Aquin est né à Montréal le 24 octobre 1929. Il aurait aujourd’hui 92 ans. Il est sans contredit le personnage le plus mystérieux, le plus insaisissable de toute la littérature québécoise. Écrivain renommé, il est l’auteur de cinq romans[1], dont Prochain épisode, qui est vite devenu un incontournable, un classique, un chef-d’œuvre, diront certains.

Pourtant, il affirme avoir tout fait pour ne pas devenir écrivain, tout fait pour échapper à ce destin maudit, à cette fatalité. Il rêvait de faire carrière dans la finance, les affaires ! S’agit-il d’une plaisanterie ? Peut-être. Quoi qu’il en soit, on imagine mal Aquin en banquier ou en riche homme d’affaires, lui qui, dans les années 1960, était un fervent militant indépendantiste.

Passage à la clandestinité

Dans un communiqué envoyé aux médias en juin 1964[2], il affirme être « le commandant de l’organisation spéciale », déclare la guerre totale à tous les ennemis de l’indépendance du Québec et choisit l’action clandestine pour soutenir les actions du Front de libération du Québec et accomplir la révolution ! Il se cache chez un ami, lit sur la révolution en Irlande, écrit un journal. Il se dit traqué. Un mystère plane autour de lui. Il est arrêté quelques semaines plus tard pour vol de voiture et possession illégale d’une arme à feu. Il est envoyé à l’Institut psychiatrique Albert-Prévost pour y subir des soins. C’est là qu’il commence l’écriture de Prochain épisode.

L’action littéraire

Peu à peu, il passe de l’action politique à l’action littéraire. Durant les dix années qui vont suivre, il écrira trois autres romans, un essai littéraire, ainsi qu’un scénario de film, dans lequel il tiendra le rôle principal. Il collaborera également à des revues, enseignera la littérature, puis occupera brièvement le poste de directeur littéraire des Éditions La Presse. La révolution qu’il croyait toute proche au Québec est maintenant loin derrière lui. Il dira plus tard, lui qui toute sa vie fut fasciné par la vitesse (il est d’ailleurs l’un des fondateurs du Grand Prix du Canada) : « Les seules révolutions qui m’intéressent sont celles des moteurs[3] ! »

Ainsi va la vie d’Hubert Aquin : une série de mystères, de faux-semblants, de dérobades, d’apparentes contradictions. Aquin n’est jamais là où on l’attend et déjà ailleurs quand on croit savoir où il est. Homme imprévisible, homme invisible. Mais la vie d’Aquin n’est pas que cela, elle est aussi faite, comme nous l’avons mentionné plus haut, de grandes réalisations. Toutefois, l’œuvre d’Aquin n’est pas seulement littéraire. De 1959 à 1963, il fait un passage remarqué à l’ONF comme scénariste, réalisateur et producteur.

Comparaisons

Il travaille d’abord sur Comparaisons, une série de films pour la télévision qui consiste à comparer des réalités de la vie des Canadiens et des Canadiennes avec des réalités de même type ailleurs dans le monde. Les situations se rapportent notamment à la religion (Les grandes religions – 1959), à la conception de l’apprentissage (Quatre instituteurs – 1961), au mariage (Jour de mariage – 1963), à la fonction de l’artiste (Trois pays, trois artistes – 1963) et à la place des grands-parents dans la famille (Trois pays, trois grand-mères – 1963). Aquin y est tantôt scénariste, tantôt réalisateur, tantôt responsable de la direction générale. Ces films sont généralement des adaptations ou des traductions de productions originales anglaises. Mais il y a quelques productions originales en français. L’une d’elles est une réalisation d’Aquin, et sa grande qualité demande de s’y attarder.

Du sport, des hommes

Le sport et les hommes (1959) est bien plus qu’une simple comparaison entre différents sports pratiqués dans divers pays. À travers la corrida, la course automobile, le cyclisme, le hockey et le football (ou soccer), de l’Espagne à l’Angleterre, en passant par les États-Unis, la France et le Canada, Aquin s’interroge, nous interroge sur le sport. Pourquoi les hommes sont-ils troublés par ce spectacle ? Pourquoi s’y engagent-ils tout entiers ? Pourquoi ce combat inutile ? Qu’est-ce que le sport ?

Le sport et les hommes, Hubert Aquin, offert par l'Office national du film du Canada

Ce film remarquable de montage est entièrement réalisé à partir d’images d’archives. Le texte du commentaire est de Roland Barthes. C’est Aquin lui-même qui le contacte par lettre quelques mois avant le début de la production. Le célèbre philosophe et sémiologue français accepte la proposition, comprenant que l’idée du film d’Aquin s’inscrit parfaitement dans celle de son recueil de textes, Mythologies (1957). Il viendra d’ailleurs à l’ONF pour peaufiner son texte et aura une influence sur la production de La lutte (1961), un projet collectif de l’équipe française, lancé par le cinéaste Claude Fournier.

Le Saint-Henri de Gabrielle Roy

Aquin est également à l’origine d’un autre projet collectif, celui d’À Saint-Henri le cinq septembre (1962). On lui en attribue généralement la paternité, mais il n’est déjà plus à l’ONF quand le film est terminé. Il en a tout de même eu l’idée. Il s’agit de faire, en une seule journée de tournage, le portrait du quartier Saint-Henri à Montréal, comme l’avait fait l’écrivaine Gabrielle Roy dans son roman Bonheur d’occasion (1945), une quinzaine d’années plus tôt. Aquin met sur pied une équipe de tournage composée des membres les plus influents de l’équipe française de l’époque, comme Michel Brault, Claude Jutra et Gilles Groulx, et de quelques membres de la production anglaise, qui captent des images de ce quartier populaire de Montréal, du lever à la tombée du jour, un 5 septembre.

À Saint-Henri le cinq septembre, Hubert Aquin, offert par l'Office national du film du Canada

Par la suite, il écrira deux autres scénarios, celui du documentaire À l’heure de la décolonisation (1963) et celui du court métrage de fiction La fin des étés (1964). Il produira également deux films, Jour après jour (1962) et L’homme vite (1963), pour ensuite quitter l’ONF.

En 1979, le cinéaste Jacques Godbout réalise le documentaire Deux épisodes dans la vie d’Hubert Aquin, qui tente de cerner la personnalité de l’écrivain et de comprendre ce qui l’a poussé à s’enlever la vie le 15 mars 1977. Je vous invite chaleureusement à voir ce film afin de mieux saisir l’étrange et fascinant personnage qu’était Hubert Aquin.

Deux épisodes dans la vie d'Hubert Aquin, Jacques Godbout, offert par l'Office national du film du Canada

[1] Hubert Aquin a publié quatre romans de son vivant : Prochain épisode (1965), Trou de mémoire (1968), L’antiphonaire (1969) et Neige noire (1974). En 1991, Leméac publie L’invention de la mort, un roman posthume écrit en 1959.

[2] Le communiqué est repris dans l’article du Devoir du 19 juin 1964 « Hubert Aquin quitte le RIN et choisit l’action clandestine ».

[3] Citation tirée du film Deux épisodes dans la vie d’Hubert Aquin (1979) de Jacques Godbout, une production de l’Office national du film.

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