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La société du spectacle

La société du spectacle

La société du spectacle

La semaine passée je vous parlais du tricoteur numérique Sam Meech qui a résidé plusieurs semaines à Montréal pour contribuer au projet Espace commun?, un parcours interactif à vivre jusqu’au 18 octobre. Vous pouvez donc, encore cette semaine, voir/expérimenter les huit œuvres créées pour l’occasion. Elles sont toutes très différentes et étonnantes. La dizaine d’artistes derrière ces créations avaient à nous faire réfléchir sur les espaces partagés.

photo : Martine Doyon
photo : Martine Doyon

Si vous en avez la possibilité, je vous recommande chaudement de passer en soirée devant les écrans de l’entrée principale de la Place des arts pour interagir avec la création de Daniel Iregui intitulée End of broadcast. Cette installation invite le public à bouger les mains devant l’écran pour découvrir des fragments vidéo qu’ils peuvent contrôler par leurs mouvements. Ce besoin d’interaction constitue une métaphore de notre incapacité à se déconnecter, dixit le document officiel. Cette œuvre spectaculaire impressionne par sa technologie de pointe, ses sons électrisants et ses images stroboscopiques qui interpellent de manière saisissante l’ouïe et la vue des gens qui s’y frottent. En d’autres termes, c’est in your face. On est loin de la machine à tricoter.

Une autre contrainte créative du projet Espace commun? : les lieux des installations devaient se trouver à l’intérieur du kilomètre carré que couvre le Quartier des spectacles. Baptisé officiellement ainsi depuis 2003, anciennement nommé Le Red Light, ce quartier montréalais s’étend du nord au sud par la rue Sherbrooke et le boulevard René-Lévesque, et d’est en ouest par les rues Saint-Hubert et City Councillors. C’est le cœur de Montréal, 1 km2 d’émotions, un endroit où pas une seule journée ne se passe sans activité culturelle. Il s’en passe des choses sur ce petit bout de terre : Plus de 40 festivals par années, 8 places publiques animées, plus de 100 spectacles par mois, etc.

En réfléchissant à ce billet, j’ai googlé [citation + spectacle] pour savoir qui, de Shakespeare ou ARTV, avait dit en premier que la vie est un spectacle. Je suis tombée sur des citations du célèbre essai La Société du spectacle de Guy Debord. Il a écrit entre autres :

« Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production s’annonce comme une immense accumulation de spectacles. Tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation. »

Ça et une panoplie d’autres phrases juteuses qui nous font parier que le bon vieux Guy n’était pas un abonné annuel du TNM. Blague douteuse à part, le livre de Debord a certainement le mérite de questionner l’artiste sur sa pratique, son rôle et son influence sur le spectateur-consommateur. Même si, dans cet essai, il ne faut pas toujours prendre le mot spectacle au pied de la lettre, il reste que ce texte écrit en 1967 associe directement les spectateurs à des proies d’un système capitaliste malveillant. En gros, il déplore la toute-puissance du spectacle et le caractère passif du spectateur aliéné.

Je pensais donc à tout ça en fin de semaine en scrollant les photos Instagram de mes amis heureux dans des vergers de pommes, et je me disais qu’il y avait quelque chose de foncièrement humble et touchant dans l’œuvre de Sam Meech. Cet artiste qui avait carte blanche, qui devait montrer son savoir-faire et impressionner les passants du Quartier des spectacles a choisi comme première étape de se balader à pied avec un enregistreur audio et d’interroger les gens qui y travaillent, qui y vivent. Il a rencontré des sans-abris, des policiers, des commerçants, des manifestants, des effeuilleuses, des serveurs, etc. Il a voulu connaître le vécu de ces gens qui cohabitent sur ce km carré où le spectacle ne dort jamais.

oriflamme

En plus des films de stop-motion en tricot, il a tricoté en compagnie de Marilène Gaudet des dizaines d’œuvres textiles qui représentent un condensé de ces rencontres de toutes sortes. Ces oriflammes (c’est Marilène qui appelle ça de même), sont disséminées un peu partout dans le QDS, fixés à des lampadaires. Ce sont souvent des citations, ou des mosaïques d’icônes du quartier, ou carrément des reproductions fidèles d’enseignes de commerces du voisinage.

Dans cette création, les gens qu’il a rencontrés et les lieux qu’il a visités ne sont pas que des spectateurs ou des réceptacles, mais plutôt les sujets et les acteurs de l’oeuvre.

J’ai accompagné Sam lorsqu’il a remis un des tricots au tenant d’un commerce qui arbore dans sa vitrine une des enseignes reproduites par notre duo de tricoteurs. Je me suis donc retrouvée avec ma caméra chez Nouvelle Électronique, un magasin que l’on croirait figé en 1992, situé sur le boulevard Saint-Laurent, à cinquante mètres de la Place des festivals, dans l’oeil de cette tornade du divertissement.

Lorsque vous irez enfin visiter Espace commun? cette semaine, ne manquez par d’aller acheter un paquet de piles chez Nouvelle Électronique, vous pourriez rencontrer un des gars les plus smat de ce km2.

Pour lire le troisième billet de cette série, cliquez ici.

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