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Classe de maître avec Michel Brault – 1re partie

Classe de maître avec Michel Brault – 1re partie

Classe de maître avec Michel Brault – 1re partie

Hier matin, j’ai eu la chance de rencontrer Monsieur Cinéma en personne, l’un des pionniers du cinéma vérité et de la synchronisation de l’image et du son, probablement le plus grand artisan de l’image que le Québec n’ait jamais connu, j’ai nommé : Michel Brault.

Après avoir reçu un prix hommage au festival Hot Docs de Toronto au début du mois, le cinéaste québécois est venu offrir une classe de maître au Théâtre Pierre Perrault de l’ONF. Il était accompagné pour l’occasion de la directrice générale du Programme français, Monique Simard, initiatrice de la rencontre, qui a également animé la discussion.

Sans surprise, le théâtre faisait salle comble. Tous étaient venus écouter les histoires de cette figure importante du cinéma mondial, qui, de son côté, mourait d’envie de visionner le dernier film de Philippe Baylaucq, ORA. C’est qu’il est comme ça, M. Brault, toujours à la recherche de l’innovation et des nouvelles technologies, même à 84 ans. Il était curieux de voir de ses propres yeux ce film qui, pour la première fois au cinéma, utilise la thermographie 3D.

Michel Brault portant fièrement ses lunettes 3D après la projection du film ORA de Philippe Baylaucq.

Puisqu’il en avait long à nous raconter, je n’aurai pas le choix de séparer ce billet en deux parties. Voici donc un premier extrait qui résume la première moitié de cette classe de maître avec Michel Brault. Pour la deuxième, c’est par ici.

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Tour à tour directeur de la photographie, caméraman, réalisateur et producteur, Michel Brault a fait ses classes à l’ONF comme assistant caméraman, mais avant d’en arriver là, il a d’abord découvert l’image. À la petite école, au collège Stanislas, son professeur avait demandé de faire le portrait d’un chat. Tous ses camarades de classe avaient rédigé un portrait, alors que Brault était le seul à avoir fait un dessin. « Toute ma vie, j’ai été plus intéressé à l’image qu’à la littérature. C’est probablement ce qui m’a mené vers le cinéma », nous a-t-il avoué d’entrée de jeu.

C’est au pensionnat du Collège de Saint-Jean, à Saint-Jean-sur-Richelieu, qu’il a découvert ensuite la photographie. Il s’était lié d’amitié avec un certain Guy Touchette. Son ami était propriétaire d’une caméra et s’adonnait à la photo. C’est en le suivant et en le regardant faire que Brault a appris les principes de base de cette pratique de capture de l’image sur pellicule. « Une lumière s’est allumée en moi. Toute ma vie, je me suis intéressé à cette action de la lumière sur les sels d’argent. »

C’est au Collège Stanislas que Brault a fait la rencontre de Claude Jutra pour la première fois, mais ce n’est que quelques années plus tard, au Séminaire du Lac Jean-Jeunes à Saint-Jean-sur-Richelieu, qu’il est amené à travailler sur un de ses films pour la première fois. Brault était alors le chef d’une troupe de scouts, qu’il avait mis au service de Jutra pour le tournage d’un de ses premiers films. « Claude a tourné ce film entièrement seul », a raconté Michel Brault. « J’étais très impressionné », nous a-t-il avoué.

Afin de remercier Brault pour son aide pendant le tournage, Jutra l’a ensuite invité à passer quelques jours chez ses parents, à Rivière-Beaudette. C’est à cet endroit qu’ils ont travaillé sur le montage du film dans la cabane du jardinier. « Le jour, on faisait du montage et le soir, on accrochait des draps blancs à l’extérieur et on y projetait nos films », a raconté Brault. C’était une époque d’expérimentation pour les deux grands cinéastes, qui s’amusaient à faire tremper les extrémités de leur pellicule afin de créer des effets de fondu au noir. « On découvrait l’essence du cinéma », nous a dit Brault. « On découvrait comment fonctionnent les objectifs de caméra et on s’émerveillait de toutes ces choses qui font le cinéma. On découvrait l’âme du cinéma », a-t-il philosophé.

Le cinéma était devenu une vraie passion pour ces jeunes cinéastes en devenir, mais sous Duplessis, certains types de cinéma, dont le cinéma russe, étaient interdits au Québec. Ils apprenaient donc leurs classiques en lisant des livres sur les grands cinéastes, tels que Eisenstein, Poudovkin, Vertov, etc. Parfois, ils prenaient même la voiture de leurs parents pour se rendre à New York, à quatre : Michel Brault, Claude Jutra, Marc Brière (un ancien juge très connu au Québec) et Jacques Perrault (le frère du cinéaste Pierre Perrault).

« On y passait 3-4 jours. En arrivant, on se prenait un Q Magazine, qui comportait tous les événements culturels de la ville, et on se construisait un horaire. On voyait plusieurs projections par jours dans différents cinémas et lorsqu’on avait un temps mort, on se rendait au Musée d’art moderne pour y visionner des films muets. »

Les jeunes cinéastes rêvaient d’une caméra-stylo, une idée qu’ils avaient lue dans une revue française, qui se basait sur les principes d’une caméra portable et légère. Brault s’émerveille aujourd’hui de connaître l’ultime caméra-stylo : celle de nos téléphones mobiles. « À l’époque, on pouvait faire un chef d’œuvre avec u crayon et une feuille de papier, mais pour en faire un au cinéma, ça nous prenait une caméra, de la pellicule et beaucoup d’argent. Aujourd’hui, on peut tout faire avec ces petits trucs. »

Après des études au Collège Ste-Croix, Michel Brault est allé faire un baccalauréat en philosophie à l’Université de Montréal. C’est une période de sa vie pendant laquelle il a beaucoup lu. Ces camarades et lui avaient même proposé de réaliser un film sur L’étranger de Camus. Après avoir écrit aux Éditions Gallimard et reçu une lettre de leur part leur accordant les droits du film, ils avaient lancé une campagne de financement et amassé 150 $. Mais avec la fin de l’année scolaire, le film avait été abandonné et Brault et ses amis avaient plutôt dépensé l’argent au restaurant.

Même s’ils n’ont jamais réussi à compléter leur film, Jacques Giraldeau, Raymond Marie-Léger et Michel Brault avaient quand même réussi à se faire remarquer. Quelques semaines plus tard, Roger Blais leur a offert un stage d’été à l’ONF à Ottawa. Les trois jeunes ont été assignés à différents départements et Brault s’est retrouvé à celui des caméras, un département très francophobe selon ses dires. « Je ne m’entendais pas bien avec les autres caméramans», a-t-il admis. « Ils pratiquaient tous un style très hollywoodien, conventionnel, et ils cachaient leurs connaissances les uns des autres. » Brault passait donc ses journées à la bibliothèque de l’ONF. Ne sachant pas où il traînait et se rendant compte qu’il n’était pas souvent au studio, ses superviseurs lui ont montré la porte après trois mois.

Après son passage à l’ONF, Brault s’est lancé dans la photographie. Ce n’est que quelques années plus tard, après le déménagement de l’ONF à Montréal dans les années 1950, qu’il y reviendra. Selon Brault, si l’ONF avait déménagé à Toronto, comme l’indiquait le deuxième choix, le cinéma québécois tel qu’on le connaît n’aurait jamais existé.

Vers 1954, Claude Jutra travaille à l’ONF sur un film intitulé Jeunesses musicales et selon les dire de Michel Brault, « il souffre le martyr avec son caméraman. » Au même moment, Fernand Dansereau entre à l’ONF et commence l’écriture du scénario du film Les mains nettes. Jutra réussit à faire rentrer Brault à l’ONF et, après un stage d’assistant, ce dernier travaille sur son premier film à titre de caméraman : Les mains nettes de Claude Jutra.

Les mains nettes, Claude Jutra, offert par l'Office national du film du Canada

« À l’époque, il y avait des passerelles dans les studios », nous rappelle Brault. « On y installait des éclairages classiques : lumière principale, lumière d’ambiance et lumière de fond. Mais moi, je m’intéressais plus à la lumière naturelle. Je préférais une lumière médiocre, mais représentative, qu’une lumière trop léchée. Pour moi, c’était l’essence du cinéma direct. Je voulais donc faire installer des fluorescentes à la grandeur, mais on avait déjà pour environ 50 000 $ de spots installés. Pour contourner les règles, mon collègue Jean-Marie Côté m’avait proposé de fermer les bornes sur les caméras. J’ai donc eu ce que je voulais. C’était un peu fou de vouloir travailler avec la lumière naturelle. Je devais savoir à quelle heure nous allions tourner une scène pour être en mesure de prévoir la position du soleil. » Avec Les mains nettes, Brault a gagné son pari. Tout le monde avait apprécié son style d’éclairage avant-gardiste et l’ONF avait décidé de le garder.

Par la suite, le jeune cinéaste a reçu plusieurs commandes d’actualités filmées, ces courts films qui étaient projetés au début des programmes à l’époque. Son premier mandat était de filmer une école de textile de Ste-Hyacinthe. Pour son deuxième, on l’a envoyé dans un congrès de raquetteurs à Sherbrooke. Vous connaissez la suite : Brault a décidé d’amener Gilles Groulx avec lui. Ils sont d’abord aller faire quelques recherches à Sherbrooke et ont trouvé le sujet fort intéressant… assez pour en faire un film. Mais comment allaient-ils convaincre la production de l’ONF?

« Lorsque nous sommes revenus à Montréal pour préparer le tournage, j’ai fait une petite passe-passe lorsque je suis allé chercher le matériel de tournage. À l’époque, il y a avait un magasin à l’ONF et on allait chercher notre équipement avec des bons de commande. En route vers le magasin, j’avais rajouté un 0 supplémentaire au nombre de pieds de pellicule nécessaire sur le bon de commande. Je ne me souviens plus combien ça faisait, mais j’en avais assez pour tourner toute la fin de semaine. Ma carrière de cinéaste a donc commencé avec une supercherie! »

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Lisez la suite : Michel Brault raconte Les raquetteurs et Pour la suite du monde

 

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