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Sensory Stories : le train est en train de passer

Sensory Stories : le train est en train de passer

Sensory Stories : le train est en train de passer

Une employée toute vêtue de noir m’assiste alors que je m’allonge sur une longue surface métallique. Avant de m’enfermer dans une cage kafkaïenne de la taille d’un cercueil, elle me passe un petit buzzer.

« Ça, c’est le bouton de panique. »

Je vais revivre les quatre dernières minutes de la vie de Whitney Houston, tout en odeurs et en sons, dans la noirceur totale. Ça tombe bien. J’ai toujours voulu être une diva.

Vivre la réalité virtuelle au Centre Phi

Cette expérience sensorielle, c’est Famous Deaths. J’ai aussi eu le droit de revivre l’assassinat de JFK (ce qui tombe bien, j’ai toujours été paranoïaque). L’installation fait partie de l’exposition Sensory Stories au Centre Phi, où une douzaine d’œuvres explorent la réalité virtuelle, l’interactivité et l’immersion.

L’avenir arrive si vite. Les lunettes de réalité virtuelle bien installées sur la tête, des écouteurs couvrant mes oreilles, j’ai un peu l’impression de regarder le train des frères Lumière avancer devant moi. C’est peut-être une impertinente nostalgie, mais quand je vois le train avancer si vite, je me demande si on passe suffisamment de temps à contempler le temps perdu, le passé enterré et enfoui sous nos millions de révolutions virtuelles.

Guy Maddin rend hommage aux films disparus

Et puis Guy Maddin vient me réconforter dans ma contemplation nostalgique. Seances, l’installation interactive qu’il présente en première mondiale à cette exposition est assez simple : sur un écran tactile, je prends des scènes flottantes et je les balance vers le centre de l’écran, qui adapte son titre en conséquence, et qui me présentera une séquence de scénettes adaptées à ma sélection. Le tout est très psychédélique. Filmé en parallèle au long métrage The Forbidden Roon (sélection Sundance 2015) pendant quatre ans avec les moyens du bord et beaucoup, beaucoup d’imagination, Seances, c’est Guy Maddin qui enregistre des films muets perdus dans le temps, répertoriés ici et là, et recréés le plus fidèlement possible avec tous les indices à notre disposition. C’est un hommage anachronique à un héritage perdu. Près de 80 % des films muets ont disparu depuis leur diffusion première. Maddin et son équipe viennent nous dévoiler ces trésors enterrés dans le temps dans le cadre d’une exposition qui vient faire exploser les sens tout en développant de nouvelles structures narratives.

Je capote. J’aimerais aborder le tout avec une relative indifférence, comme si mon cerveau n’était pas complètement bouleversé par tout ce qu’on me présente. Mais je ne peux pas m’empêcher de ressentir des frissons, d’être émerveillé, par la qualité des spectacles qu’on m’offre.

Une douzaine d’œuvres en tout

Notes of Blindness : Into Darkness, c’est l’interprétation artistique des notes audio de John Hull, un écrivain britannique qui a documenté sa lente progression vers la cécité. « Pour les voyants, une belle journée, c’est quand il y a un ciel bleu et du soleil. Pour moi, c’est quand il y a du vent. Le vent vient donner forme à mon environnement. » L’auteur explique savamment cet aveuglement graduel. Il raconte comment le son définit son expérience dans un parc, ou comment il a vécu une crise de panique palpable une journée enneigée de décembre, alors qu’il s’éloignait tranquillement de sa maison familière pour entrer dans un néant angoissant. Des petites parcelles illuminées forment les contours de mon espace assombri, tandis que les indices sonores me guident dans cette réalité complètement bouleversante. C’est comme Daredevil avec Ben Affleck, mais, mettons, pertinent.

J’ai l’impression ensuite d’être sur une barque de fortune avec le peuple badjou dans Nomads : Sea Gypsies, alors qu’ils circulent sur l’eau, qu’ils cuisinent du riz et du poisson et qu’ils pêchent. Une étrange sensation de proximité avec ces gens qui ignorent tout de mon existence et dont je n’imaginais pas les visages ou la réalité, quelques minutes plus tôt.

Dans The Turning Forest, des enfants invisibles jouent autour de moi dans une forêt colorée. Puis un monstre sublime vient me regarder droit dans les yeux, juste avant de me laisser jouer de la musique avec ses dents et de me transporter vers une île congelée.

Dans S.E.N.S VR, une adaptation en réalité virtuelle de la bande dessinée de Marc-Antoine Mathieu, je dois suivre des flèches dans un néant blanc, sorte de mission existentielle absurde et immersive qui me remplit de vertiges et d’angoisses savoureuses.

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J’ignorais qu’on pouvait se faire raconter des histoires ainsi. Je suis complètement bouleversé. J’enregistre des nouvelles sensations narratives. Je comprends des nouvelles choses.

Dans le vidéoclip Jeff Buckley – Just Like a Woman, qui adapte une chanson de Bob Dylan en BD interactive, je comprends tardivement que mes actions ont un impact direct sur une relation amoureuse. Mais ça, je veux dire, je le savais déjà! Enfin…

L’expo se déroule du 14 juin au 21 août au Centre Phi, à Montréal. Allez-y.

 

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