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Feu Gilles Groulx

Feu Gilles Groulx

Feu Gilles Groulx

Gilles Groulx est mort en 1994. Le Québec dont il faisait le portrait n’existe plus. Mais son œuvre est vivante. Vivante grâce au regard brûlant de ce réalisateur engagé, dont l’œuvre complète est désormais accessible gratuitement sur ONF.ca.

Avant le feu, l’étincelle : Groulx emprunte la caméra Bolex de son frère et, avec un œil précis, capte la ville de Montréal telle qu’elle ne l’est plus aujourd’hui dans Les héritiers (1955). Mais l’œuvre reste incomplète. L’homme, monteur au service des nouvelles de Radio-Canada, devient réalisateur, monteur, scénariste et militant dans son cinéma. Il vivra un rapport complexe avec l’Office nationale du film, beaucoup plus prudente à l’époque, beaucoup plus « eau dans le vin », que le réalisateur révolutionnaire.

Après l’étincelle, la flamme : Groulx coréalise Les raquetteurs (1958) avec Michel Brault et, sans le savoir, invente un genre cinématographique (rien que ça); le cinéma direct. Caméra à l’épaule, il capte ce qu’on appelle l’aliénation du peuple québécois lors d’une tradition folklorique à Sherbrooke. Une femme qui s’arrête quelques pas après le début de la course, des enfants qui s’amusent dans la rue, un trompettiste qui accompagne son instrument d’une cigarette, Groulx capte le réel avec une étonnante simplicité et une réelle beauté. Il fixe le sujet jusqu’à le rendre beau, jusqu’à le transformer en archétype de quelque chose de plus grand.

Le regard de Groulx est aussi anthropologique qu’il est critique. C’est avec le même œil étranger qu’il capte des danses en ligne en Floride dans Voir Miami (1963) ou bien qu’il catalogue le quotidien des mineurs en Abitibi dans Normétal (1959). La caméra toujours à la recherche du visage, ne serait-ce que la silhouette d’un mineur, il raconte la réalité de gens qui vivent, qui travaillent, qui dansent ou qui se reposent, ici et ailleurs.

Après la flamme, le brasier. Rétroactivement, on peut comprendre que cet amour féroce pour le cinéma minera le créateur de talent. Dans Golden Gloves (1961), Ronald Jones, le jeune boxeur noir de Saint-Henri (quartier d’origine de Groulx) explique sa tactique de combat dans le ring : « Fesse, fesse, jusqu’à temps que je vois qu’y est plus capable, pis y tombe. » C’est un peu ce que le cinéma semble avoir fait de Groulx, « le lynx inquiet de l’ONF », comme l’appelle Patrick Straram.

Le brasier continue. Le chat dans le sac (1964), considéré comme une œuvre phare du cinéma québécois, met en scène un homme et une femme, mais évidemment, beaucoup plus que ça. Claude : « Je suis canadien français, donc je me cherche », un jeune homme rigoureux dans sa lourdeur, passe des derniers instants avec Barbara, une jeune juive anglophone d’une famille bourgeoise, candide dans son ignorance et sa légèreté. À propos de Simone de Beauvoir : « J’ai lu un peu, mais je n’aime pas beaucoup, parce qu’au fond, je pense que l’homme est supérieur à la femme. »

Quand est-ce que le feu commence à faiblir? Entre tu et vous, 24 heures ou plus, Primera pregunta sobre la felicidad/Première question sur le bonheur… le regard militant continue, le feu brûle, mais le territoire ravagé se limite à l’auteur. Il ne se répand pas jusqu’au cœur du public.

Et finalement, les cendres : Avec Au pays de Zom (1982), la fable anti-capitaliste présente un défi formel pour le public. En 1981, un accident de voiture l’empêchera de continuer de travailler. Il finira son montage plus tard, mais l’œuvre marquante sera désormais derrière lui. Le feu qui l’habitait reste palpable dans tous les plans intimes de ses films, qui composent l’œuvre d’un écorché vif. Cinéaste militant, Gilles Groulx était un homme enragé et engagé qu’on ne peut pas oublier.

 

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