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Sur les routes du Québec pour Toi, moi et la Charte

Sur les routes du Québec pour Toi, moi et la Charte

Sur les routes du Québec pour Toi, moi et la Charte

Toi, moi et la Charte est une expérience collaborative qui trace un portrait nuancé d’un débat de société qui enflamme le Québec à l’automne 2013. Produit par l’ONF en collaboration avec Urbania, le projet s’intéresse aux malaises suscités par certains commentaires spectaculaires et prises de position polarisées exprimés sur les réseaux sociaux. Les créateurs Vali Fugulin et Jérémie Battaglia ont pris la route pendant trois semaines au mois de novembre pour enrichir le projet de différents témoignages. Ils font maintenant le bilan de leur expérience.

Toi, moi et la charte - Jérémie Battaglia et Vali Fugulin

Votre opinion sur la charte a-t-elle changé ou évolué au fil des rencontres?

Vali : Au départ, en tant que documentaristes « neutres », nous avons décidé de ne pas dévoiler notre opinion sur la charte aux participants. Cela aurait évidemment pu mettre mal à l’aise ces gens qui acceptaient de se dévoiler et de nous faire part de leur opinion sur un sujet très délicat, où parfois les deux camps se traitent mutuellement de racistes. J’ai été amenée, grâce aux rencontres que nous avons faites, à confronter mes propres préjugés et à faire évoluer ma pensée sur le projet de la charte. En ce sens, j’étais une bonne première spectatrice de notre projet. Mon opinion n’a pas changé complètement, mais elle s’est nuancée, et j’ai approfondi le malaise que je pouvais ressentir au début.

Jérémie : Mon opinion n’a pas fondamentalement changé, mais j’ai surtout découvert des regards que je ne pouvais pas connaître. La rencontre de certains personnages et leurs points de vue ont profondément chamboulé mes convictions. On sortait parfois des tournages avec Vali en se disant : « Je n’avais jamais pensé à ça! »

 

Comment pensez-vous que Toi, moi et la Charte peut contribuer au débat?

Vali : Après avoir fait l’expérience de jouer ses valeurs et regardé les portraits, on peut avoir une grande surprise. En tant que Québécois « de souche », par exemple, on peut se rendre compte qu’on partage plus avec une immigrante voilée qu’avec un autre « pure laine ». C’est la beauté du projet que de nous faire revoir nos idées préconçues sur notre groupe. Qui est le nous et le eux? Si déjà on amène cette réflexion chez un internaute, le pari est gagné!

Jérémie : On a toujours le goût de croire qu’on peut changer le monde avec une création, mais je suis sceptique sur ce point. Cependant cette fois, beaucoup de gens m’ont parlé de l’effet du projet sur eux; ils me disaient à quel point il les avait fait réfléchir sur la question. On n’avait pas la prétention de changer le monde, mais si on peut au moins provoquer ce débat, c’est déjà beaucoup. Tout le projet partait d’ailleurs de cette sensation que le débat était mort, car trop anxiogène, arrivé à un point de non-retour. Les positions étaient trop bloquées pour avancer. Si quelque part le projet a aidé à nuancer les positions, à ramener de l’humanité dans le débat, alors c’est parfait!

Quelle a été la rencontre la plus marquante pour vous et pourquoi?

Vali : C’est une question difficile, car ce projet fut plus riche en échanges d’opinions et d’émotions que tout autre projet que j’ai fait auparavant. Marie-Gabrielle, une immigrante ivoirienne établie au Lac-Saint-Jean, m’a particulièrement touchée. Elle a vraiment été un coup de cœur sur le plan humain et son intégration dans la communauté de Saint-Félicien est une belle réussite à tous les niveaux. Elle m’a fait rire et pleurer. C’est bon signe quand on interviewe une personne et qu’on est le premier touché par sa parole. L’autre rencontre marquante a été celle avec Jérémie! J’ai adoré travailler avec lui. Heureusement, car le tournage a vraiment été comme un bootcamp : très intense! Jérémie a été une magnifique rencontre pour moi.

Jérémie : Marie-Gabrielle a vraiment été la plus belle rencontre pour moi aussi. Zabi a aussi été une très belle rencontre, un homme très touchant avec une histoire forte et surtout un regard sur ces évènements qui m’a vraiment amené à me poser des questions sur mes convictions. Et Vali a aussi évidemment été une très belle rencontre professionnelle et humaine.

 

Pourquoi vous êtes-vous particulièrement intéressé aux commentaires des internautes sur les réseaux sociaux?

Vali : Nous avons démarré le projet en nous basant sur les horreurs que nous pouvions lire sur le web. Les insultes racistes, les débordements, les jugements à l’emporte-pièce sur les pour, les contre, les immigrants, les arabes, les francophones, etc. Ces commentaires plutôt disgracieux, voire carrément violents, et écrits anonymement ont été le point de départ de notre réflexion, de notre envie de nuancer les extrêmes dans le débat. Et c’est pourquoi chaque portrait commence avec la lecture d’un commentaire plutôt raciste trouvé sur la toile, lu par le personnage auquel il est implicitement destiné. De cette non-rencontre virtuelle, nous avons voulu créer la rencontre documentaire.

Jérémie : J’ai toujours été choqué par l’impunité qu’on peut avoir sur le web et les réseaux sociaux. Les mots peuvent blesser et choquer, et les gens n’ont pas toujours conscience de la portée des mots qu’ils écrivent, que les « maudits immigrés » ou les « sales arabes » sont des gens avec des histoires, des familles. L’idée était de montrer l’absurdité et la violence de ces mots et ces phrases que nous avons trouvés sur le web. Quel est l’effet d’une phrase antisémite lue par une personne de confession juive? Ou une attaque verbale raciste par un immigré? C’était un moyen d’enlever tout pouvoir à ces mots violents, de les ridiculiser.

 

Toi, moi et la charte - Jérémie Battaglia

Jérémie, en quoi le tournage sur la route de Toi, moi et la Charte a été différent du projet Le poids d’une voix?

Pour Le poids d’une voix, j’étais arrivé avec un concept déjà existant. Le travail de conceptualisation n’était pas si important, et j’ai très rapidement commencé les tournages. Pour Toi, moi et la Charte, il fallait trouver le concept! Ce fut trois semaines de travail très intense pour finalement arriver avec le concept de jeu. Même si j’avais 30 portraits à réaliser pour Le poids d’une voix et seulement 15 pour Toi, moi et la Charte, j’ai trouvé ce dernier beaucoup plus intense. C’était beaucoup plus de travail de tournage et de montage. Donc pour moi la grande différence est là : mon état de fatigue à la fin du projet! L’autre grosse différence était la présence de Vali. Pour Le poids d’une voix, j’étais seul pendant un mois sur les routes du Québec, alors que pour ce projet, c’était un travail d’équipe avec Vali. On a beaucoup partagé, et il nous a fallu apprendre à nous connaître et collaborer. C’était très enrichissant comme expérience.

Vali, il s’agissait de ta première immersion dans le processus de création en interactif. Qu’as-tu le plus aimé de celui-ci par rapport au documentaire traditionnel?

J’ai adoré la liberté de pouvoir créer aussi rapidement (le projet s’est échelonné sur huit semaines). J’ai redécouvert un plaisir de mon métier que je n’avais pas vécu depuis longtemps en créant ce jeu documentaire non linéaire. Puis, la sensation de pouvoir tourner, monter et mettre en ligne de façon quasi autonome un essai qui rejoint le public tout de suite était grisante pour une fille qui est habituée à travailler sur des projets plus lourds, avec une grosse équipe, et qui peuvent prendre des années à se concrétiser après bien des obstacles de financement. Ce fut merveilleux! C’est certain que les processus de tournage et de montage étaient éprouvants – vu notre microéquipe de deux –, mais c’était aussi libérateur.

***

Parcourez Toi, moi et la Charte et faites de nouvelles rencontres.

 

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