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Des fillettes entraînées à la Kalachnikov

Des fillettes entraînées à la Kalachnikov

Des fillettes entraînées à la Kalachnikov

Grace, Milly, Lucy… des fillettes soldates, un film de Raymonde Provencher.

« Dans les camps de LRA, les fillettes sont mariées de force avec des hommes beaucoup plus âgés qu’elles. Elles ont leurs enfants. Lorsqu’elles sont enfin libérées et qu’elles reviennent dans leur communauté, plusieurs années après, elles sont complètement défaites. La communauté les rejette, parce qu’elles ont vécu dans la jungle tout ce temps-là. Des gens croient qu’elles sont habitées par des démons. On rejette leurs enfants. Elles ne peuvent pas se remarier, ni trouver du travail. Très souvent, même leur propre famille les renie. C’est tragique. Un homme qui revient dans sa communauté peut se remarier, aller à l’école, travailler et retrouver une vie normale. Pas les femmes. »

Ce constat est celui de Grace Akallo, elle-même victime de L’Armée de résistance du Seigneur (LRA), kidnappée alors qu’elle n’était qu’une enfant pour aller se battre au côté des rebelles.

Elle habite maintenant aux États-Unis, où elle vient de compléter une maîtrise en Droit international. En plus d’être une mère de famille et de travailler auprès de l’organisme Le projet Rebecca pour la défense des droits de la personne, elle milite pour la cause des enfants-soldats auprès de différentes instances internationales, telles que les Nations unies.

« J’essaie de parler au plus grand nombre de gens possible. Il est important de faire connaître notre situation à des journalistes, à des politiciens ou à d’autres leaders de ce monde. Nous sommes tous responsables de ce qui se passe dans nos sociétés respectives, mais aussi chez nos voisins. Nous sommes les premiers responsables de la protection des droits humains », croit-elle.

Raymonde Provencher aborde dans le même sens : « Si l’on veut faire une différence, il faut d’abord prendre connaissance du problème. Ensuite, c’est un peu notre responsabilité à nous tous de trouver une solution pour aider la cause des fillettes soldates. Que ce soit en écrivant une lettre aux représentants politiques ou en signant une pétition, toutes les initiatives sont les bienvenues. » La cinéaste assure sa propre part de responsabilité avec son dernier film Grace, Milly, Lucy… des fillettes soldates, un documentaire co-produit par Macumba Doc et l’Office national du film, qui lève le voile sur la situation des fillettes soldates en Ouganda.

« Je travaille sur des dossiers connexes depuis très longtemps. D’abord, comme  journaliste à l’émission Nord-Sud à Télé-Québec, un travail que j’ai ensuite poursuivi au sein de la boîte de production Macumba International Inc. J’ai aussi eu à travailler en collaboration avec l’UNICEF. En visitant l’Afrique à quelques reprises, j’avais vu les enfants-soldats et j’avais remarqué ces fillettes dont personne ne parlait. »

En effet, rares sont les documents qui prennent en considération la situation des filles. L’organisme Droits et démocratie fait figure d’exception et a publié récemment un document intitulé Où sont les filles?, qui inventorie la présence des fillettes au sein de forces et groupes armés. « Avec ce document, on a réalisé tout à coup qu’elles étaient nombreuses. 30 à 40 % des enfants-soldats seraient des filles », explique la cinéaste. « On pensait qu’elles étaient kidnappées seulement pour faire de la couture, avoir des enfants ou être des esclaves sexuelles. C’est faux. Elles tuent aussi. Elles se battent, Kalachnikov à la main », poursuit-elle. Pourquoi n’étions-nous pas au courant de leur situation? « Parce qu’on n’était juste pas rendu là dans nos analyses sur les enfants-soldats. Jusqu’ici, on n’avait jamais pris en compte le cas des fillettes indépendamment de celui des garçons. On étudiait toujours la situation des enfants-soldats en général. Quand tu poses mal le problème, tu ne peux pas trouver de solution. »

Dans son film, Raymonde Provencher présente trois femmes : Grace, Milly et Lucy. Toutes ont vu, enfant, leur vie basculer le jour où des troupes rebelles ougandaises ont fait irruption dans leur village en pleine nuit pour les ravir à leurs familles. Elles ont accepté de raconter leur histoire. Un exercice qui n’a pas été de tout repos pour elles, mais aussi pour l’équipe de tournage.

« Le climat est très chaotique dans cette région. On a du demander des permissions afin de parler avec ces femmes. L’atmosphère était tendue. Le sujet des enfants-soldats est un extrêmement épineux. Les femmes veulent aussi se fondre à la communauté dans laquelle elles retournent vivre. Lorsque je les ai rencontrées, elles portaient toutes des habits traditionnels africains. Il a fallu que je m’y prenne à plusieurs reprises, que je revienne les voir souvent et que je discute longtemps avec elles, afin de recueillir leur histoire », raconte la réalisatrice.

Grace Akallo connaît très bien le sentiment de liberté qu’elle a gagné en allant étudier aux États-Unis : « Il y a des dommages irréparables dans mon cœur, mais je réussis tout de même à trouver un certain bonheur à travers les yeux de mon fils. Il est peut-être plus facile pour moi d’être heureuse, étant loin de ma communauté. Une chose est sûre, il plus facile de parler. » Elle parle, haut et fort, pendant que les autres filles se taisent, terrifiées par leur propre gouvernement. « Il (le gouvernement ougandais) n’aime pas que j’aborde ouvertement la situation des enfants-soldats devant les Nations-Unies et dans les médias. Ça le fâche qu’un sujet comme l’abus des droits de la personne se retrouvent sur la place publique », dit-elle. Pour le moment, elle est en sécurité chez nos voisins du sud. Elle peut continuer à militer pour les droits humains et conserver sa voix indépendante lorsqu’elle dénonce la situation des enfants-soldats. « Grace est la seule avec qui j’ai pu aborder la politique », confirme Raymonde Provencher. « Les autres filles pouvaient seulement me raconter leur histoire personnelle. »

Pour l’instant, ces femmes ont un urgent besoin d’aide et d’encadrement. Il reste toute la problématique de la réinsertion à la communauté à régler :

« On leur offre des cours de couture ou de coiffure, mais ce n’est pas nécessairement leur tasse de thé. Pour survivre, elles ont développé plusieurs habiletés dans la jungle. Il faut en prendre connaissance et s’en servir. Certaines sont d’excellentes mécaniciennes, d’autres, comme Grace, ont appris à être infirmières ou sages-femmes dans les camps. Il faut créer des programmes de réinsertion sociale qui prennent en compte ces habiletés », avance la cinéaste.

Il y a plusieurs manières d’aider la cause des fillettes soldates. Les gens qui seraient intéressés à le faire peuvent s’informer auprès d’organismes d’aide humanitaire officiels. La sortie du film Grace, Milly, Lucy… des fillettes soldates sera entre autres appuyée par Amnistie international et le Bureau international des droits des enfants, en plus de coïncider avec la Journée internationale contre l’utilisation d’enfants-soldats du 12 février prochain. À cette occasion, diverses actions seront menées partout dans le monde pour sensibiliser la population à cette grave situation.

Présentation du film :

Le documentaire sera télédiffusé ce soir – mardi le 21 juin 2011 – à 21 h sur les ondes de TV5. Plus d’infos

Pour plus de renseignements, visitez le site officiel du film : Grace, Milly, Lucy… des fillettes soldates.

Lisez ce texte de Laura-Julie Perreault : Enfants otages de la guerre

Écoutez l’entrevue de Christiane Charette : Raymonde Provencher : des fillettes et des armes

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