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Avons-nous besoin des organismes culturels publics?

Ceci est le message que Tom Perlmutter a livré avant le débat sur le financement des organismes culturels publics lors des RIDM, le 17 novembre 2009.

Bonjour,  Merci de votre présence.  Est-ce intéressé ou plutôt naïf de la part du dirigeant d’un organisme culturel public de poser la question qui alimente le débat d’aujourd’hui? Ce n’est ni l’un ni l’autre. Cette question découle de ma longue quête pour comprendre les principes en vertu desquels je peux agir. Quels sont les arguments valides qui justifient la permanence d’un organisme comme l’Office national du film et lui donnent son orientation? Lorsque j’ai cherché une orientation au sein du secteur culturel, je n’en ai pas trouvé. J’ai plutôt découvert qu’on avait en quelque sorte abandonné le débat et la réflexion pour une position défensive…  que l’argument en faveur de la culture était généralement de nature réactive et se limitait presque toujours à la défense du financement des activités culturelles.

Cela n’a rien d’étonnant dans un secteur où prévaut un sentiment de perpétuelle remise en cause ou de sous-appréciation (et ce, peu importe le gouvernement), et qui est quelque peu susceptible quant à sa valeur.  C’est comme si nous, les intervenants du secteur de la culture, avions besoin de prouver que nous appartenons au monde réel en exerçant une activité bien réelle, soit gagner de l’argent. Ce faisant, nous avons abdiqué tout discours sérieux sur la nature de la culture et de l’espace public. Nous avons accepté les paramètres du soi-disant monde réel sans jamais les contester. L’attitude défensive et l’argument en faveur des avantages économiques de l’activité culturelle sont probablement légitimes sur le plan tactique. Cependant, si ces éléments supplantent la remise en question fondamentale des prémisses sur lesquelles nous érigeons les fondations de l’espace public et de l’activité culturelle qui s’y déroule, nous nous serons fait un tort considérable, notamment en diminuant nos champs de réflexion. En effet, nous esquivons les questions compromettantes de peur de saper notre argument en faveur du soutien financier à la culture. Par exemple, nous soutenons invariablement que la culture est importante car elle est l’expression de la compréhension que nous avons de notre pays. Pour moi, il s’agit d’une croyance populaire, de l’une de ces évidences qu’il faut rigoureusement mettre en doute.  Peut-être c’est vrai mais en quelle façon? Comment y arrive-t-on? De quels mécanismes disposons-nous pour distinguer l’influence d’une œuvre canadienne sur nos auditoires de celle d’une production étrangère alors que nous connaissons la toute puissante influence des cultures étrangères?  Et ainsi de suite. Pourtant, c’est exactement le genre de questionnement qui est considéré tabou au sein du secteur culturel. En effet, il pourrait donner l’impression de conforter les instances que d’aucuns considèrent comme (entre guillemets) « l’ennemi ».

Au lieu d’engager le débat, nous prenons position et nous le faisons en tant que collectivités.   Nous avons tendance à défendre ces positions au nom de groupes particuliers représentant artistes, réalisateurs, producteurs et ainsi de suite. Encore une fois, il s’agit là d’une approche qui peut s’avérer utile sur le plan tactique, mais qui peut aussi altérer la capacité à explorer librement si elle est utilisée seule. Combien de fois des gens m’ont dit : « Je peux vous en parler en privé, mais je ne pourrais le dire en public. » C’est là l’essentiel du problème. Dans un milieu subventionné qui dispose de mécanismes de financement limités, personne ne veut mordre la main qui le nourrit.  On ne fait pas de vague. L’autocensure est chronique dans notre industrie.

Le débat autour de ces enjeux ne date pas d’hier. La culture, l’identité nationale et le rôle des artistes constituaient  déjà des sujets brûlants au cours d’un débat qui s’est tenu en Europe, du milieu à la fin du 18e siècle. D’un bout à l’autre de l’Europe, des sommités telles que  Kant, Herder, Hume, Boyle et Goethe ont entretenu une correspondance nourrie sur ces sujets. Des artistes, des scientifiques, des écrivains, des philosophes. Ce qui est  frappant, c’est l’ampleur et la profondeur des échanges. Ce qui est frappant à notre époque, c’est l’appauvrissement de la culture. Elle ne fait plus partie d’un vaste courant intellectuel. Elle se limite à ce que l’on trouve dans les pages culturelles des journaux. Nous avons déprécié les enjeux liés à l’engagement. De fait, la remise en cause de notre secteur est en partie attribuable à ce rétrécissement de l’esprit auquel nous avons collaboré de plein gré.  Nous avons implicitement négocié un pacte faustien.  Voilà pourquoi le discours sur le soutien aux arts se résume inévitablement à une question d’argent. Et toutes les autres déclarations à propos de l’importance de la culture ne sont en fait que du camouflage de banals clichés non contestés.  C’est notre Trahison des clercs.

Si j’ai fait cette comparaison avec le 18e siècle, c’est aussi pour deux autres raisons. Premièrement, c’est au cours de ces échanges approfondis et mutuellement fertiles que la notion d’espace public a vu le jour, cette même notion qui est aujourd’hui remise en question et qui a subi les effets de l’érosion.    Deuxièmement, cette époque subissait des transformations sociales et technologiques rapides sous l’impulsion de la révolution industrielle.

Nous vivons actuellement une époque assez similaire.  La révolution numérique est tout aussi profonde que la révolution industrielle l’a été, et le bouleversement social est aussi radical.

C’est pourquoi il est urgent de repenser le monde et en particulier la nature de l’espace public de même que le rôle qui revient à la culture dans cet espace. Mais il s’agit d’une entreprise à long terme et nous ne sommes pas habitués à poser des gestes à long terme. Je crois cependant que c’est essentiel. Il est essential de visualiser l’avenir en années et même en décennies; il faut cesser de penser à brève échéance. Le temps est venu d’amorcer notre réflexion. J’espère que cette table ronde nous fera faire un petit pas dans la bonne direction. J’aimerais remercier Marie Anne Raulet, Philippe Baylaucq et les RIDM qui ont accepté de se joindre à moi pour donner le coup d’envoi de cette aventure. Je veux aussi remercier nos experts qui ont accepté de descendre dans l’arène et d’entreprendre un combat dont on ne peut prédire l’issue.

Et vous, qu’en pensez-vous ? Nous serions très curieux d’avoir vos commentaires à ce sujet.

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